Quand une passion s’unit à une autre, les résultats peuvent parfois s’avérer surprenants. Voici la rocambolesque histoire de la transformation d’un autobus pour personnes à mobilité réduite en autocaravane conçue pour des amoureux de la motocyclette.
Tout a commencé alors que Jean-Philippe Roy se rendait à une exposition de motos à Ocean City, au Delaware. Mordu de sport motorisé, Jean-Philippe parcourt de 5 000 à 6 000 kilomètres par année en chevauchant sa motocyclette. Appréciant tout particulièrement les routes sinueuses et en bon état du Nord-Est américain, il était tout à fait naturel qu’il se rende à cet évènement avec sa monture, question de combiner les activités. Jean-Philippe et ses amis étaient installés dans une camionnette tractant une remorque ouverte sur laquelle étaient attachées leurs motos. Quelque part sur la route à l’aller de ce voyage de 11 heures, un incident banal a tout déclenché. Un roulement à billes de la remorque s’est brisé et a nécessité une réparation d’urgence. Les inconvénients, retards et frais engendrés par ce bris, auxquels s’ajoutaient les frais d’hébergement en hôtel, amènent alors les amis à entamer une réflexion sur la façon de se déplacer pour satisfaire leur passion. Ils en viennent à considérer l’achat d’un vieil autobus pour personnes à mobilité réduite afin de le modifier pour en faire une autocaravane capable de transporter des motocyclettes. Lors du voyage de retour, Jean-Philippe passe en revue les encans afin de voir les véhicules d’occasion offerts.
Un passionné, un vrai
Il faut dire que Jean-Philippe est tombé en amour avec la mécanique quand il était petit. Il s’est familiarisé avec l’activité en bricolant avec son père, est devenu technicien en génie mécanique et, outre les heures à rouler sur sa moto, il occupe maintenant le plus clair de ses temps libres à « bizouner », les deux mains dans l’huile ou les fils électriques.
Un profil précis
Pour réaliser ce projet, le bus recherché se devait d’être équipé d’un moteur diésel (pour l’économie et le couple à bas régime), de posséder une rampe pour handicapé, afin de monter les motos à l’intérieur de l’habitacle, et… de ne pas être jaune ! Si à l’encan de la ville de Québec on pouvait trouver ce genre de véhicule avec un moteur à essence et une rampe à l’arrière, c’est plutôt à celui de Montréal que notre mécanicien a trouvé la perle rare. Elle avait comme désavantage que sa rampe était installée sur le côté, mais son moteur diésel, plutôt qu’à essence, a été l’élément décisif. De retour à l’encan, il a ensuite trouvé une caravane hybride qui lui procurerait les accessoires de camping nécessaires pour aménager le bus. Une grande aventure débutait !
La transformation
Premier constat : il faudra réparer le moteur. Deux valves cassées, un piston fondu, un injecteur collé et, de surcroit, malgré ses 250 ch, pas assez de puissance. Le moteur avait désespérément besoin d’une cure de rajeunissement. Équipé d’une transmission pour travaux lourds (HD), le moteur développe maintenant 325 ch à 3 300 tr/min… et il tourne rondement ! Comme le plancher était pourri, Jean-Philippe a tout arraché et installé du contreplaqué sur lequel il a tracé son plan d’aménagement afin de bien positionner les meubles et autres accessoires. Puis, il s’est attaqué à l’électricité. Passer les câbles, bien sûr, mais aussi installer les « organes » de base comme un onduleur Enerwatt de 40 A, des batteries AGM longue durée de 255 A placées en parallèle et un panneau solaire de 90 W. Bref, tout pour accroitre l’autonomie. Aujourd’hui, par exemple, les batteries peuvent faire fonctionner le climatiseur pendant deux heures, si nécessaire !
Des complications
Quand est venu le temps de passer à la plomberie, les choses se sont compliquées. Par exemple, les normes sévères en matière de gaz ont nécessité de couteuses inspections. Au moment d’installer les réservoirs, Jean-Philippe s’est rendu compte que celui des eaux noires arrivait vis-à-vis de l’essieu. Il aura donc fallu modifier la forme du réservoir pour qu’il puisse s’insérer à la bonne place tout en gardant une pente propice à un écoulement par gravité.
On passe aux accessoires
Puis est venu le temps d’installer les accessoires de camping. La caravane hybride Starcraft 2010 de 6,4 m (21 pi) avait souffert d’une infiltration d’eau majeure. Jean-Philippe a donc retiré les électroménagers et accessoires comme les éviers, le bain-douche et autres, et a jeté le reste. Pour ce qui est des meubles, il était impossible de les réutiliser en raison de la courbure des murs. Il a donc fallu tout inventer… Avec sa structure en pin, des murs et un plafond bien isolés, un lit à deux places qui s’élève électriquement pour faire place à des motos, le véhicule prenait forme. Il ne restait qu’à installer la rampe… La retirer du côté passager pour l’installer à l’arrière a nécessité de rallonger le châssis du véhicule et de boulonner le tout en place de manière sécuritaire. Toutefois, il manquait encore quelques centimètres pour y loger une moto. Il a donc fallu une étape additionnelle pour élargir le tout ! La plateforme fait maintenant 2,1 m (7 pi) et peut faire monter une moto de route sans problème à la hauteur du plancher du véhicule afin de la faire rouler en toute sécurité à l’intérieur. Ouf ! Il était maintenant temps de faire un voyage d’essai afin de profiter de tous ces efforts.
Une première sortie… percutante
En roulant « pépère » sur une route du Québec par un beau jour, Jean-Philippe, et surtout son véhicule, est entré en collision avec un chevreuil. La bête a roulé sous le châssis pour tout arracher ce qui dépassait. Avec une pompe à carburant endommagée, Jean-Philippe n’avait d’autre choix que de descendre la moto et d’aller chercher des pièces au magasin le plus proche. C’est donc installé sur le côté de la route qu’il a réparé le véhicule afin de le remettre en marche. Une fois de retour chez lui, il a réinstallé tout le réseau de plomberie et les câbles électriques sous le véhicule. Avec des boites de jonction et une tuyauterie bien cachées entre les montants du châssis, rien ne dépasse plus sous ce véhicule maintenant !
Cela fait trois ans que le projet a pris naissance. Après 450 heures de travail passionné et quelque 16 000 $, l’odomètre du véhicule est passé de 168 000 à 192 000 kilomètres. Le véhicule a permis de faire des escapades non seulement à Ocean City, mais aussi à Wildwood, en Floride et au cap Breton, en Nouvelle-Écosse. Sans compter les nombreuses fins de semaine au Québec à parcourir les sites où sont aménagées des pistes de terre battue. Jean-Philippe partage son bijou avec ses amis et c’est avec une étincelle dans les yeux qu’il me confiait que le véhicule pouvait coucher quatre personnes confortablement, même avec trois motos rangées à l’intérieur. Avec la possibilité de remorquer deux motos supplémentaires à l’arrière, ou d’accueillir 6 personnes (sans motocyclette à l’intérieur), les possibilités sont nombreuses ! Quand l’ingéniosité n’a de limite que le talent…
Texte et photos : Dany Coulombe
Magazine Camping Caravaning, vol. 24 no 6, septembre 2018
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