Spleen de caravanier
Cette semaine, j’ai croisé une vieille connaissance qui, comme Michelle et moi, avait vécu avec sa femme plusieurs années ayant comme seule maison son véhicule récréatif. Aujourd’hui, ils ne sont plus nomades à temps plein, ce qui ne les empêche nullement de voyager beaucoup, principalement l’hiver, au sud de la frontière. J’avais l’impression d’avoir devant moi un miroir tellement notre parcours m’apparaissait similaire.
Évidemment, nous nous sommes longuement attardés à évoquer nos rencontres, planifiées ou fortuites, alors que nous étions dans le désert, en Floride ou même au Québec. Inutile de préciser que l’après-midi passé en sa compagnie m’a semblé ne durer que quelques minutes. Le temps est vraiment un élastique que l’on étire lentement, mais qui derrière nous, dans nos souvenirs, reprend rapidement sa position initiale.
Aujourd’hui — autre similitude entre nos parcours de vie — mon ami n’est plus nomade à plein temps. Lui et sa conjointe ont acquis une maison traditionnelle. Pourtant, ayant conservé son autocaravane, chaque automne il quitte le Québec à la recherche d’un peu de soleil et d’une température plus clémente.
Au fil de notre conversation, il m’a avoué avoir constaté un effet pervers au fait d’avoir un pied dans sa maison et l’autre dans son VR. Il n’arrive pas à expliquer pourquoi, chaque année, à son retour au pays, repartir sur la route à bord de son véhicule récréatif lui demande un effort. Cela, même si, en son for intérieur, il continue toujours de carburer à la passion du voyage.
Chose étrange à ses yeux, lorsqu’il n’avait pour seule maison que son VR, jamais une telle attitude ne l’avait importuné. Un peu comme si, au printemps, retrouver un milieu de vie plus stable et s’y adapter atténuait son goût de repartir.
Je lui avouai à mon tour que Michelle et moi éprouvions un malaise similaire et que, personnellement, cela chiffonnait beaucoup. Chaque fois que je me retrouvais dans cette situation, j’avais comme l’impression de trahir et de tourner le dos à ce mode de vie que nous avions choisi il y a maintenant 22 ans et qui avait duré pendant plus de 15 années en tant que nomade à plein temps. Que de fois ma femme et moi avons abordé la question sur toutes ses facettes en quête d’une explication avant d’y arriver.
À la façon de plusieurs personnes ressentant, à la fin d’un long weekend ou de trop courtes vacances, un vague à l’âme à la pensée de revenir au travail, ou d’un écolier qui voit arriver la fin de sa semaine de relâche et la nécessité de retourner à l’école, je crois nous sommes frappés par un mal du même type. Pourtant, retraités que nous sommes, aucune date butoir, aucun travail, ne nous attend au détour pour imposer un brusque retour à un horaire contraignant. Oui, mais… Revenir au pays et réintégrer notre milieu traditionnel de bois et de briques implique aussi de se retrouver avec des tâches imposées. J’en demande pardon aux lecteurs qui sont encore sur le marché du travail qui trouveront bien futils mes gargouillis émotifs.
Tout d’abord, le retour à la maison représente un véritable déménagement. Il faut vider le VR, en faire le ménage et apporter provisions, bagages, vêtements et plusieurs accessoires dans la maison. En même temps, notre logis a lui aussi besoin d’un sérieux coup de balai pour chasser la poussière accumulée durant les nombreux mois d’absence.
Surviennent aussi l’incontournable corvée des déclarations de revenus, la visite médicale annuelle à planifier et ses tests sanguins préalables… Même renouer le contact avec les membres de la famille et les amis bouscule le rythme intégré durant les mois d’hiver. Et je ne vous parle pas du choc thermique des récents hivers-printemps qui attendent maintenant la mi-juin pour rendre l’âme. Adieu soleil de la Floride, du Texas ou de l’Arizona !
Pourtant, en soi, le retour à la maison constitue une chose que l’on désire et chaque printemps, nous avons vraiment hâte de nous retrouver chez nous. J’en viens donc à penser que l’effet pervers du retour à domicile repose sur un passage trop brusque entre deux milieux de vie tellement différents. Je me rappelle de nos années de travail ou souvent la première semaine de vacances était bouffée par le temps mis à décrocher du boulot. Après avoir vécu la seconde à plein régime, la troisième commençait à perdre en intensité à la seule pensée du retour au travail approchant à grands pas.
Je commence donc à comprendre et à accepter pourquoi, chaque année, trop confortables dans notre appartement, nous cherchons toutes les excuses possibles pour reporter un nouveau départ. Campings bondés, temps et température changeants et imprévisibles, routes cabossées, période des grandes vacances annuelles, chantiers routiers innombrables… autant de prétextes pour ne pas quitter son fauteuil. Pourtant, cette inertie vaincue, il suffit de rouler quelques kilomètres pour que la magie opère à nouveau.
Encore une preuve qu’en vieillissant on devient moins souple.
Nous n’avons jamais vécu à temps plein sur la route mais à chaque automne, quand vient le temps de préparer le VR pour partir en long roadtrip, je me dis toujours le camping, le caravaning, ce n’est pas fait pour les paresseux!!! Même si nous adorons être sur la route, tous les efforts pour se préparer en vue de partir, personnellement, c’est une corvée! Je me demande toujours comment je faisais pour tout préparer et partir en weekend, fin de semaine après fin de semaine alors que je travaillais! Aussi, les retours à la vie quotidienne demandent également un effort d’adaptation. Nous sommes contents de retrouver le confort de notre maison mais il y a TELLEMENT d’obligations auxquelles on peut se soustraire avec joie quand égoïstement, nous n’y sommes pas!!!
Attendez que la maladie frappe!!!! Ça vous modère les transports encore plus. C’est un nouvel élément insécurisant qui diminue encore le gout de décoller pour un long voyage. Que faire à 600 kms ou 1000 kms ou, encore pire, à 3000 kms du CHUM et que j’aie une rechute????
Je n’ai jamais été nomade à plein temps mais plutôt « snowbird » depuis des années, soit de 2001 à 2006 et ensuite de 2010 à 2017. J’aimais bien me préparer pas mal d’avance pour ces longs voyages vers le SUD-OUEST américain; les 6 mois passaient très rapidement et lors des dernières semaines de ces voyages, le mal du pays reprenait et j’avais hâte de revenir dans notre demeure.
Mais, aussitôt revenu, à peine quelques semaines plus tard, la piqure du départ me reprenait et je commençais déjà à préparer le voyage suivant.
Finalement après toutes ces années, depuis l’an dernier, le motorisé a été remisé pour l’hiver et le snowbird est demeuré chez lui et ne sera probablement plus ce snowbird d’autrefois. Nous ferons quelques sorties de quelques jours au cours de l’été, rien de plus.
Merci de partager vos expériences, en vieillissant on se rend compte que ceux qui ont plus de vécu que nous dans la vie ont toujours raisons dans l’ensemble. Je fais souvent des parallèles dans la vie afin d’expliquer mes comportements, combien de gens demeurant à 2 pas d’une plage aux USA n’y vont presque jamais? Combien de Québecois ne font pas d’excursions en plein bois alors que les Français nous envie d’avoir cette grande nature sauvage? Est-ce possible de la nature humaine, depuis des millénaires, nous pousse à être curieux de l’inconnu et se blaser de la routine? Je crois que 6 mois dans un lieux qui était alors inconnue, devient peu à peu cette routine. Ce comportement nous a permis d’avoir visiter tous les coins de la planète, de voler dans le ciel, d’aller sur la lune, je crois que nous devons faire avec, et savoir l’utiliser à notre avantage. Bon camping
Martin, tu as tout à fait raison. Pour les peureux, qu’ils restent chez eux alors…