Revivre à Montréal

Notre appartement du centre-ville de Montréal fait moins de 1000 pieds carrés. Pourtant, il nous a paru immense après avoir vécu une année et demie dans une autocaravane de 24 pieds. Mais on s’y attendait. En revanche, on avait oublié à quel point il était beau et confortable. Dire que j’ai voulu le vendre avant notre grand départ! Je crois que je l’aurais regretté. Comme presque toujours, c’est Lise qui avait raison. Valait mieux le louer, d’autant plus que les locataires nous l’ont rendu dans un état impeccable. Bref, nous avons retrouvé notre chez-nous avec beaucoup de plaisir.
Il en va de même pour notre quartier, qui a continué à changer à la vitesse grand V, les immeubles ne cessant d’y pousser. Là encore, c’eût été une erreur de déménager. Nous aimons cet endroit qui, en l’espace de quelques années, est passé de quartier à l’abandon à quartier à la mode. Nous sommes à 10 minutes du centre-ville, du Vieux-Montréal, du Quartier chinois et du canal de Lachine, à 20 minutes du mont Royal et à 25 du marché Atwater. À pied bien entendu. C’est ce qu’il nous faut, car nous n’avons pas d’auto et pas l’intention d’en acheter une.
Nous sommes aussi très heureux de retrouver Montréal. Après avoir vécu pendant des mois près de la nature, ça nous étonne un peu. Mais au fond, pas tant que ça étant donné notre bipolarité nature-civilisation. Il faut croire que nous sommes, au moins pour un certain temps, dans notre phase civilisation.
Un caravanier rencontré en voyage nous disait qu’il était content de ne plus vivre à Montréal, car la métropole, disait-il, c’est aujourd’hui «le monde entier». Nous, au contraire, ce contact avec le monde entier est un des aspects que nous aimons de notre ville. Il suffit de se promener une heure ou deux dans Ville-Marie pour entendre le français et l’anglais parlés avec toutes sortes d’accent, pour croiser des Québécois pure laine, bien sûr, mais aussi des Québécois anglophones, hispanophones, magrébins, français, italiens, africains, chinois, vietnamiens, indiens, et j’en passe.
À l’extérieur de leur ville, les Montréalais ont plutôt mauvaise réputation. Pourtant dans l’ensemble, ils sont gentils, voire adorables. Ça nous avait frappés à notre arrivée, au début des années 90. Nous avons cette fois-ci encore été touchés par cette amabilité.
On ne la sent pas dans les rues toutefois, où l’impolitesse succède brusquement à la gentillesse. Il nous a fallu nous réhabituer aux conducteurs qui accélèrent au lieu de s’arrêter quand le feu vire au jaune. Quand ils stoppent, ils le font de mauvaise grâce en empiétant sur le passage piéton. Et c’est sans compter les banlieusards qui, au risque de nous écrabouiller, virent à droite au feu rouge même si c’est interdit à Montréal. Il est assurément moins risqué et moins stressant d’être piéton au Canada anglais ou aux États-Unis.
Il faut dire que les piétons ne sont pas en reste à Montréal, où ils n’hésitent pas à traverser au feu rouge, forçant les automobilistes à ralentir. Quant aux cyclistes, ils montent encore sur les trottoirs, où ils nous frôlent à vive allure, ou circulent à contresens dans les sens uniques. Je dois parfois me retenir pour ne pas hurler, mais je me suis juré que je ne le ferais plus.
Les rues elles-mêmes sont dans un état catastrophique, ce qui contribue peut-être au mauvais comportement des uns et des autres. Depuis notre départ en septembre 2013, la chaussée a continué de se détériorer. Les nids-de-poule (les nids-d’autruche, comme les appellent les Montréalais) sont de plus en plus nombreux et de plus en plus profonds. Y circuler, particulièrement avec un gros véhicule, est particulièrement déplaisant.
Il faut aussi se réhabituer aux mendiants, qui vous demandent votre «petit change», aux centaines d’autobus de la Rive-Sud, qui amènent et ramènent chaque jour leur cargaison de banlieusards, aux fumeurs malodorants, qui s’agglutinent devant les entrées des immeubles, ou aux graffitis, qui envahissent et enlaidissent notre ville.
Mais tout cela n’est pas bien grave. Le mauvais temps est plus pénible. Depuis notre retour, il a plu, mais surtout il a fait froid. Nous étions en plein été alors qu’ici c’était à peine le printemps à notre arrivée. J’en veux toujours à Champlain. Cartier avait abouti à Gaspé par hasard en croyant trouver l’Inde. Champlain, lui, est revenu sciemment vers la Nouvelle-France. Pourquoi? Pour voir ses hommes mourir du scorbut? Il aurait pu descendre au moins jusqu’au New York, non!
Et puis, on a tendance à tourner en rond, faute d’effervescence sans doute. En voyage, nous allions de découverte en découverte. Ici, nous sommes rattrapés par le train-train quotidien, dans l’attente d’un nouveau projet.
Par ailleurs, il y a évidemment des inconvénients à être caravanier et à habiter le centre-ville. Il nous a fallu trouver un nouveau lieu d’entreposage pour notre Grande bleue à l’extérieur de l’île puisque nous avions abandonné celui que nous avions à Vaudreuil. Nous avons fini par en trouver un, au moins temporairement, à Saint-Lambert. C’est juste de l’autre côté du pont Victoria, mais la note est plutôt salée. Nous y laisserons notre autocaravane jusqu’à ce que nous partions pour la Gaspésie cet été. D’ici là, nous essayerons de trouver un autre lieu, de préférence chauffé. Si vous avez des suggestions, elles seront bienvenues.
Lise vous fait ses amitiés. On se revoit samedi en huit pour tracer un petit bilan de notre grand voyage.
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