Il arrive souvent devant un obstacle que trouver une voie de contournement ou un nouvel angle sous lequel envisager le problème et trouver un moyen de le résoudre. C’est exactement ce qui m’est arrivé récemment. Petit rappel. Le 24 octobre, je vous annonçais qu’une récente entente permettait l’usage du transporteur requis pour acquitter automatiquement les montants exigés pour rouler les routes et ponts à péage de la Floride et son jumeau nommé Ez-Pass accepté par plusieurs états. Désormais, indifféremment, l’un comme l’autre permettrait de rouler en toute tranquillité sans avoir à s’arrêter aux guérites pour acquitter son dû.

Cette harmonisation, hautement prévisible dans un monde où la haute technologie permet de réaliser d’une façon beaucoup plus efficace des tâches répétitives quelque peu abrutissantes pour ceux et celles qui devaient les accomplir. L’ère des employés coincés dans leur guérite à respirer pendant des heures les gaz s’échappant des moteurs à carburant fossile pour encaisser quelques sous et dollars devenait chose d’un passé peu glorieux.

Mais voilà, comme cela se produit souvent cette bonne nouvelle fut abondamment relayée sur de nombreux groupes Facebook. Comme cela se produit souvent, la simplification du message amena de nombreuses distorsions. Dès lors, il n’était pas rare de lire qu’il serait impossible pour les personnes n’ayant pas le transpondeur obligatoire fixé dans leur parebrise d’emprunter les routes à péages américaines sans devenir délinquants et sujet à des amendes salées ou même d’être poursuivis par la police. Bref, l’Halloween 2021 venait de trouver de nouvelles peurs à répandre.

Je dois avouer que j’ai moi-même bien involontairement un peu contribué à la propagation d’une certaine désinformation. En écrivant que le site de la SunPass floridienne demandait aux automobilistes ayant à circuler en Caroline du Nord de contacter l’agence de cette état qui régissait les routes à péage si leur véhicule ou ensemble de véhicules comportait plus de trois essieux pour se renseigner sur les dispositions les concernant.

Après avoir écrit aux responsables de la NC Quick Pass et n’ayant obtenu aucune réponse alors que l’on promettait une réponse dans les cinq jours, j’ai décidé d’appeler directement le numéro de téléphone figurant sur leur site web. Mal m’en prit. Alors que la messagerie vocale de l’agence annonçait que le temps d’attente avant qu’un préposé prenne mon appel, 50 minutes plus tard, las d’attendre, j’ai raccroché.

Je continuais malgré tout de recevoir des courriels de caravaniers, souvent peu familiers avec l’anglais, qui étaient inquiets de se retrouver fichés comme délinquants dans des fichiers gouvernementaux. Me fallait donc trouver rapidement un moyen de dénouer l’impasse.

N’ayant jamais dans aucun de mes nombreux voyages en Floride, rencontré une seule route à péage en Caroline du Nord, l’idée me vint de trouver où pouvaient bien se situer ces fameuses routes. Au total, dans tout l’état, seulement trois segments de route contraignent les automobilistes à débourser un léger montant. Trois segments différents dont le plus long fait moins de 50 km.

De plus ces routes se trouvent toutes dans des régions probablement jamais fréquentées par des Québécois. Vraiment pas matière à fouetter un chat. Pis encore, la seule différence concernant les équipages de plus de trois essieux vient du tarif imposé, quatre fois celui facturé pour une voiture normale. Par exemple, alors qu’une auto roulant sur toute la section de la Triangle Expressway à partir de la I-40 pour atteindre la route NC-55 est facturée à 3,60 $, un équipage de plus de trois essieux coute 14,40 $.

Pourquoi alors demander aux habitués de la SunPass de contacter les autorités de la NC Quick Pass ? Voici l’hypothèse qui me semble la plus plausible. Il est de notoriété publique que la culture américaine est fortement influencée par le recours aux procédures légales, tout le monde poursuit tout le monde et son contraire. Afin d’éliminer tout risque de poursuite, je crois que les autorités de la SunPass ont tout simplement ajouté cette note pour se mettre à l’abri de tout recours que pourrait intenter un citoyen prétextant ne pas avoir été informé suffisamment.

Pourtant, la disparition des guérites ne veut pas dire qu’un transporteur soit obligatoire pour rouler sur une route à péage. À défaut d’en posséder un, on s’expose à payer un tarif plus élevé et à recevoir une facture par la poste. C’est uniquement lorsque l’on n’acquitte pas cette facture que l’on peut être considéré comme un délinquant. En fait, une situation identique prévaut au Québec. Tout automobiliste peut traverser le pont de la A-25 reliant Montréal à Laval. L’avantage qu’auront les détenteurs d’un transporteur sera de payer un tarif moins élevé et de se mettre à l’abri des frais administratifs rattachés à chacun des passages.

Il y a plusieurs années, j’avais prévenu les Québécois de la nécessité d’acquitter les droits de passage sur le Forida Turnpike. Certains caravaniers s’étaient moqués de ma recommandation alléguant n’avoir jamais reçu de facture. La raison en était fort simple. La Floride n’avait aucun accès au fichier de la SAAQ qui aurait permis d’associer une adresse civique à une plaque d’immatriculation québécoise. Conséquemment, toute facturation devenait impossible.

Cela ne signifiait pas pour autant que nos compatriotes délinquants pouvaient s’en tirer en toute impunité. Leur délit était enregistré dans les ordinateurs de la SunPass. Il suffirait d’une fois où, par exemple, une voiture de patrouille disposant d’un lecteur de plaque automatique renifle un numéro relié à des passages impayés pour que le propriétaire de la voiture interpelé et qu’on lui demande d’acquitter tous les passages impayés, même étalés sur plusieurs années, ajoute des pénalités pour chaque infraction ainsi que les intérêts courus.

Personnellement, la possibilité d’avoir à revenir au Québec à pied parce qu’on aurait saisi mon VR pour non-paiement des sommes dues m’a toujours convaincu qu’il fallait mieux jouer franc jeu et payer mes passages. Cela est d’autant plus important que l’harmonisation de la SunPass avec la Ez-Pass permet maintenant aux autorités floridiennes retracer les véhicules québécois et de facturer leur propriétaire n’ayant pas de transpondeur. N’oublions pas que la Ez-Pass prévaut dans l’État de New York qui, lui, dispose depuis longtemps d’un tel accès au fichier de la SAAQ. D’ailleurs, une contravention reçue dans cet état a automatiquement une incidence sur votre dossier de conduite.

Pour moi, l’idée de pouvoir partir en toute tranquillité vaut tellement plus que quelques dollars sauvés en jouant au chat et à la souris avec les autorités du transport des états américains. D’ailleurs je pense bien ne pas être le seul à adhérer à cette philosophie.