Ontario — Lac Supérieur Les arrêts se multiplient
Nous abordons maintenant la moitié ouest de la portion canadienne du lac Supérieur. Une partie qui devrait s’avérer plus intéressante que la première, ne serait-ce que parce que la proximité de la route est beaucoup plus grande.
C’est ainsi que les points de vue spectaculaires se succèdent, sur le grand lac et ses îles ou sur certaines baies importantes qui l’entourent.
Ney
Repartis en fin d’avant-midi, après avoir tenté sans succès de régler mes nombreux problèmes de communication téléphonique et Internet, nous faisons escale au parc provincial Ney’s pour découvrir un vaste camping qui épouse la rive du lac Supérieur mais dont tous les sites sont sous couvert forestier, sauf ceux avec électricité qui donnent directement sur le lac et sont plus ensoleillés. Ce genre d’emplacements en sous-bois s’avère vraiment caractéristique des parcs provinciaux ontariens et donc, de leur clientèle. On aime cette ambiance nature paisible et la fraîcheur que procure l’ombre. Les terrains sont généralement très grands et privés. Les campeurs, où que l’on soit, demeurent extrêmement gentils et polis, saluant amicalement tous ceux et celles qui croisent leur chemin.

La superbe plage de sable blond, qui s’étire sur plusieurs kilomètres, est à quelques pas seulement des emplacements. On y marche agréablement et on s’y prélasse paresseusement entre la multitude de troncs échoués, jusqu’à l’embouchure de la rivière Little Pic qui coule en méandres entre les falaises sur lesquelles s’accroche le réseau ferroviaire. C’est tout un spectacle que de voir ses convois qui défilent lentement à flanc de montagne. On dirait que l’avant est déjà à faire le tour d’un autre cap rocheux plus loin alors que l’arrière n’en finit plus d’enjamber le pont et de contourner les parois abruptes qui s’élèvent au-dessus de la rivière. Parfois, le cortège de conteneurs et de réservoirs s’immobilise sans que l’on sache pourquoi, puis repart dans un terrible fracas de métal qui s’entrechoque ou grincement des roues sur les rails tordus.

La rivière constitue une très heureuse alternative aux kayakistes et canoteurs qui craignent les soubresauts du lac Supérieur. Autrement, le roi des Grands Lacs reste facilement accessible pour tous les campeurs qui sont unanimement équipés de canots et de kayaks.
Un réseau de courts sentiers pédestres permet d’apprécier les particularités de la forêt qui s’est installée sur les anciennes dunes. En automne, les champignons abondent. Ces sentiers conduisent également sur quelques rives rocheuses qui portent toujours les traces évidentes de l’érosion par les glaciers. Sur le sentier The Point, on observe même quelques vestiges d’embarcations rappelant la présence ci d’un ancien camp de prisonniers durant la Seconde Guerre mondiale. Durant les deux grandes guerres, le Canada a interné 34 000 prisonniers civils allemands ou d’autres nationalités ayant des liens avec l’Allemagne ou des pays considérés ennemis comme l’Ukraine, la Turquie, la Bulgarie et autres. Plus de 20 000 Japonais ont aussi été emprisonnés avec leur famille. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui ont occupé le camp de Ney à partir de 1940. Dix de ces camps se trouvaient au Québec et dix autres en Ontario.

Nipigon
Le temps ne s’améliore toujours pas au moment quitter le parc provincial Ney’s. Sur la route, le brouillard devient si dense qu’on en vient à ne plus voir dix mètres à l’avant sur le haut des côtes. Des points de vue grandioses sur le lac Supérieur sont gâchés par la grisaille et un horizon bouché. Cela ne nous empêche pas de deviner la majesté de la vaste mer intérieure dont l’eau, en s’apaisant, retrouve sa couleur d’émeraude. La fameuse route Transcanadienne montre bien ici l’incroyable défi d’ingénierie civile qu’elle a représenté. La 17 est littéralement sculptée dans le socle du Bouclier canadien et sa pierre rouge. Cette section, au nord-ouest, s’avère extrêmement accidentée avec d’interminables ascensions et les descentes équivalentes.

Les quelques petites villes traversées (1000 à 1500 habitants) ne paient pas de mine et elles ont l’air misérables. Nous pensions nous rendre au parc provincial Sleeping Giant pour y séjourner en semaine, craignant de ne pas avoir de place en fin de semaine (ce qui a été le cas). Toutefois, je ne sais pas ce qui nous a fait entrer dans la municipalité de Nipigon, à un peu plus d’une heure de route de notre destination. La petite localité n’a vraiment rien de spécial avec ses minuscules maisons vieillottes. Je finis par trouver le « centre-ville » de l’autre côté de la voie ferrée, avec ses quelques magasins dont la moitié est fermée. Des panneaux annonçant la marina nous mènent sur le bord de la rivière Nipigon. Toute une surprise ! Un endroit exceptionnel avec une belle petite marina et le parc au nom romantique Paddle-to-the-Sea. Un espace pour les enfants est bordé d’affiches où on peut lire de la poésie sur le fleuve Saint-Laurent en anglais, français et Ojibwe. Tous les nombreux panneaux d’information sont bilingues d’ailleurs. Un réseau de sentiers pédestres de 8,4 km démarre dans le parc. Un très long circuit de canotage ou de kayak commence également au débarcadère et se poursuit jusqu’au lac Nipigon, au nord. En plus, on trouve au bord de l’eau huit emplacements de camping ombragés et rien n’indique qu’il faille payer ou réserver quelque part. Aucune interdiction de stationnement nocturne dans le secteur. On distingue même quelques emplacements avec services sur le terrain d’entreposage des bateaux. Nous nous installons donc à quelques mètres de la rivière, avec la vue sur l’audacieux pont qui enjambe la rivière. Il ne faut d’ailleurs pas rater le belvédère, à l’entrée de la ville, avec la vue sur la rivière et le pont.

Il fait froid. Il vente. Le temps est à la grisaille. Mais nous ne pourrions être mieux dans ces circonstances. On a la radio en français, du signal cellulaire et de l’Internet. L’endroit est super tranquille. Les prochaines journées s’annoncent encore plus froides (max de 11 ºC vendredi) alors que le beau temps sévit au Québec. Nos réservations sont faites pour 3 jours au parc Sleeping Giant sans pouvoir trouver de terrain avec électricité pour prendre notre petit Nespresso le matin. Joanne commence à faire des recherches pour un hôtel à Thunder Bay…
