Ontario — Lac Supérieur : finale en Harmony et conclusion en nuances
Après avoir craint de ne plus pouvoir quitter le camping d’Agawa Bay à cause d’un problème de batterie, l’espoir renaît au matin.

Le miracle se produit et le moteur s’active comme à l’habitude. Notre principal objectif dans ce parc était la visite d’un site où l’on peut admirer de nombreux pictogrammes préhistoriques observables sur le rocher Agawa depuis un court sentier de randonnée. Toutefois, dans notre situation mécanique, pas question de n’arrêter nulle part avant d’avoir trouvé un garage où faire inspecter le VR… On annule notre réservation et on file droit devant sur la Transcanadienne. Mais il faudra bien arrêter pour faire le plein et, là encore, le moteur repart comme si de rien n’était. La confiance nous regagne peu à peu alors que nous nous rapprochons de la ville et des milieux plus urbanisés. Si bien que Joanne repère sur Google Map une plage sur une baie qui a l’air sublime.

Le bonheur est à Harmony
Harmony Bay nous fait effectivement tomber sous le charme au premier coup d’œil. Il y aurait bien quelques endroits extraordinaires où squatter, mais presque tous les arbres sont placardés d’affiches interdisant le camping avec promesse d’amende pouvant atteindre le ridicule montant de 10 000 $.

Au milieu de tout ça, le camping Harmony Beach trône de l’autre côté de la rue et c’est là que nous nous retrouvons sur l’un des rares sites offerts aux passants. Il s’agit définitivement de la journée la plus chaude de tout le voyage, environ 25º C, et le vent se tient tranquille. Si bien que Joanne décide de gonfler sa planche à pagaie pour la première fois et revêt sa combinaison de néoprène pour aller se balader sur les eaux transparentes du grand lac. Un très beau moment pour elle alors que je lézarde sur la plage. Nous pourrons même manger dehors pour la seule fois en trois semaines. Le lendemain, notre vieux VR nous reste fidèle et fait ronronner son moteur au premier tour de clef pour nous mener sur la route du retour.


Une conclusion s’impose
Finalement, plusieurs concluront après ce récit que le lac Supérieur nous a réservé plusieurs moments inoubliables et qu’il faut absolument mettre cette destination à votre agenda. Oui et non !
Avec tout près de 4000 km ajoutés au compteur, notre conclusion peut se résumer à : « Dans la région du lac Supérieur, la seule chose qu’il y a d’intéressante, à quelques exceptions près, c’est le lac Supérieur. »
La chose la plus déprimante, tout au long du voyage, est la succession ininterrompue de cabanes délabrées entourées de cours à ferraille. De vieux motels défraîchis. De commerces barricadés et de villages en piteux états. À l’exception de Marathon, où la mine induit un niveau de vie plus élevé, et de Nipigon, qui est loin d’être un beau village, mais qui semble au moins s’être résolument pris en main, il n’y a absolument rien qui soit digne de mention. Oubliez les charmants petits villages pittoresques de la Nouvelle-Angleterre, des Mille-Îles ou de la vallée du Niagara, ou bien des Cantons-de-l’Est. Ça n’existe tout simplement pas ici. Oubliez les bons restaurants et les produits du terroir. Outre le poisson blanc fumé, c’est le néant. L’idée de raffinement, sous quelque forme que ce soit, est inexistante. Dans toute cette grande région, le tourisme a toujours été fondé sur la pêche et la chasse, en plus de la motoneige en hiver. Chasse et pêche sont en déclin, du moins sous leur forme traditionnelle, et les entreprises qui les offrent semblent complètement dépassées sur tous les plans. Quant aux principales villes, Sault-Sainte-Marie est doté de quelques attraits et Thunder Bay fait dur, si ce n’est des chutes Kakabeka et du canyon Ouimet à quelques dizaines de km de la ville.
Durant tout ce périple. On croise quelques réserves autochtones qui n’ont trouvé rien de mieux pour attirer le tourisme que quelques cabanes de revendeurs de cigarettes. Le plus important « poste de traite » sur tout le circuit, à l’entrée du parc Lake Superior, n’a sur ses comptoirs que les pires quétaineries pseudo-indiennes : capteurs de rêve fait en Chine, peaux d’ours polaire en fourrure de je ne sais quoi et T-shirts à tête d’aigle fabriqués on ne sait où ? On dirait qu’ils font exprès pour se tirer dans le pied. Peut-être est-ce ce qui plaît encore à leur clientèle ? Mais le monde change… Et sans eux !
Certains prétextent la crise du bois d’œuvre et la situation difficile dans l’industrie minière, mais, si je compare avec ce que je connais, le Saguenay–Lac-Saint-Jean a vécu une situation tout à fait semblable dans les secteurs de la forêt et de l’aluminium sans qu’aucun village ne se transforme en zone de guerre, sauf Val-Jalbert. Et encore… On a réussi à faire quelque chose avec.
Heureusement, les parcs provinciaux viennent rehausser l’offre en mettant en valeur les attraits du lac Supérieur… Mais encore ! N’apportez pas vos vélos pour rien comme nous l’avons fait. Je n’ai jamais vu une région aussi dépourvue à ce chapitre. Les propositions de randonnées pédestres sont nombreuses, mais les sentiers que nous avons faits, dont un de 21 km et un de 14 km, n’avaient qu’un point de vue à offrir sur tout leur parcours. Les sentiers eux-mêmes se sont avérés de peu d’intérêt et, dans le parc Neys, mal entretenus.
Quant au positif, puisqu’il y en a, il faut mentionner la gentillesse des gens et leur accueil agréable partout où nous sommes allés. La route transcanadienne, bien que longue à n’en plus finir, peut être très belle et plaisante à parcourir. « C’est 1000 km de parc des Laurentides (à voie simple) », comme disait ma blonde. Ça monte et ça descend sans arrêt avec, très souvent, des points de vue à couper le souffle sur le lac Supérieur. Lorsque les vents ne sont pas trop violents, le lac devient un véritable paradis pour les adeptes de kayak. Cependant, toutes les plus belles sorties ont leurs points de départ en dehors des parcs provinciaux. Ceci parce que les kayakistes comme nous recherchent les endroits où se trouvent des îles et des falaises qui, d’un, nous protègent du vent et, de deux, sont visuellement intéressantes à longer. Alors que les campings des parcs se situent sur des plages ouvertes sur le large ou sur un lac intérieur puisque, apparemment, leur clientèle est là principalement pour la plage.
Conséquemment, vaut-il la peine de rouler 3000 ou 4000 km pour ce constat ? Personnellement, j’ai adoré le lac Supérieur et je suis très heureux d’y être allé. C’est coché ! Si jamais je voulais y retourner, j’ai l’assurance que ce serait seul. Je vous laisse juger quant à vous, selon vos intérêts.

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