Nouveau-Brunswick / Baie de Fundy
Van Horne, le roi de St-Andrews by-the-Sea

Le Saguenay-Lac-Saint-Jean a eu son roi en la personne de William Price. Le Nouveau-Brunswick a eu K.C. Irving. Et plusieurs petits coins de villégiature sont marqués par le nom d’une riche famille.
Les Molson à Tadoussac. Les Reford à Métis sur Mer. Les Cabot à Cap-à l’Aigle. Roberval a eu Horace Beemer. L’histoire de Kamouraska, Murray Bay, Sainte-Agathe et de bien d’autres paradis de villégiature remonte à l’arrivée de riches familles anglophones qui y ont érigé leurs résidences d’été lorsque ces régions sont devenues accessibles par bateau ou par train durant le 19e siècle.
À St Andrew by-the-Sea, au sud-est du Nouveau-Brunswick et aux abords de la baie de Fundy, ce personnage déterminant s’appelle Sir William Van Horne. Il n’a pas eu trop de problèmes à se rendre à son domaine de Covenhoven, sur Ministers Island, en voyageant par train puisque, la voie ferrée, c’est lui qui l’a déroulée d’un bout à l’autre du Canada.

L’argent n’était pas un frein pour le premier président du Canadian Pacific Railways qui a aménagé ici son château d’été ainsi qu’une ferme modèle et tous les équipements les plus modernes de l’époque lui permettant de vivre sur Ministers Island en autarcie et en totale autonomie.
Une histoire unique
Cette ile de 500 acres, qui n’est reliée au continent que par l’estran intertidal qui se dégage durant quelques heures à marée basse, a longtemps été inhabitée avant que les Indiens Passamaquoddy ne la fréquentent puis que les Loyalistes ne s’y installent après la Révolution américaine, en 1777. C’est ensuite que le Révérend Samuel Andrews y construit, en 1790, une belle maison de pierre qui a toujours fière allure et qui est considérée comme l’une des plus anciennes maisons du Nouveau-Brunswick. C’est d’ailleurs à la mémoire du religieux que l’ile porte le nom Ministers Island.

William Van Horne découvre l’endroit en 1890 lors d’une expédition de repérage pour le futur chemin de fer. Dès l’année suivante, il décide d’y élever son « chalet » de 12 000 pieds carrés, Covenhoven, dont les dimensions sont plutôt modestes initialement, mais qui finit par compter 50 pièces, dont 17 chambres. On y trouvait le quartier des serviteurs, mais ce sont naturellement les immenses pièces qui retiennent l’attention. Une salle à manger grandiose avec son foyer monumental, la salle de billard avec une table de 12 par 6 pieds, qui trône encore au milieu de la pièce. On y trouve également une salle de dessin gigantesque et un meuble de rangement impressionnant puisque Sir Van Horne était un artiste dans l’âme et qu’il adorait peindre les paysages qu’il admirait à St-Andrews. Ce qui contraste avec son caractère que l’on sait dominateur, calculateur et extrêmement contrôlant. La province a acquis 21 de ses tableaux dont plusieurs sont suspendus aux murs de Covenhoven.
Le domaine
Pour dessiner Covenhoven, Van Horne a recours à l’architecte montréalais le plus en vue à l’époque, Edward Maxwell, à qui l’on doit plusieurs édifices du CP dont rien de moins que le Château Frontenac. Pour la construction il utilise le grès rouge qui provient des environs de l’ile, mais qui n’est pas sans rappeler la couleur du Château Frontenac et de plusieurs grandes gares du CP.

De plus, Van Horne a fait ériger plusieurs bâtiments étonnants qui démontrent son avant-gardisme. Sur la pointe de l’ile, devant le cottage, on trouve par exemple une tour de pierre qui était réservée aux baigneurs. L’étage supérieur, avec vue sur 360 degrés, était la salle de repos. L’étage inférieur était la salle de déshabillage d’où l’on sortait directement sur le rivage pour se baigner dans une piscine creusée à même le roc et qui s’emplissait à chaque marée haute. Derrière Covenhoven, on voit un magnifique moulin à vent en pierre qui servait à pomper l’eau dans d’immenses réservoirs souterrains. Tout près, une superbe petite grange cachait les équipements qui assuraient l’autonomie énergétique des installations.
Jardinier et fermier
William Van Horne était aussi passionné d’horticulture et d’agriculture. Il a d’abord fait construire ce qui serait encore la plus grande grange en bois du continent, un bâtiment colossal qu’on peut visiter. Il y élevait des chevaux de race et plusieurs autres animaux tout en produisant le lait et les œufs qu’il se faisait envoyer par train à Montréal lorsqu’il quittait son ile. Le cottage était entouré de jardins floraux extraordinaires et il faisait également pousser les meilleures vignes anglaises, des pêches, des nectarines, des cerises et des concombres en plus de nombreux autres fruits et légumes dont il contrôlait la production de façon maniaque (tout ce qui était produit était compté, pesé et archivé).
Malgré qu’il n’ait jamais été considéré comme un philanthrope, Van Horne ouvrait son ile aux visiteurs et aux touristes qui pouvaient y circuler librement. Il a aussi invité son cercle d’amis richissimes à venir le rejoindre à St Andrews où ils ont érigé de somptueuses demeures et établi la réputation du village comme lieu de villégiature.
Aujourd’hui
Malgré le fait que le cottage ait été dépouillé d’une bonne part de son luxueux mobilier, de la plupart de ses boiseries et qu’il ne reste que 11 des 22 bâtiments initiaux, cette visite s’avère fascinante. Effectivement, la plupart des meubles ont été vendus à l’encan à la fin des années 1970 par les anciens propriétaires qui ont tenté sans succès d’y implanter une pourvoirie de luxe. Heureusement, une campagne de récupération a donné quelques bons résultats et a permis de retrouver des pièces importantes. L’état de délabrement des lieux reste quand même saisissant. Il faudrait au moins 10 M $ pour restaurer le cottage.
On accède à l’ile en voiture et en autocar par l’estran qui se dégage à marée basse. Un petit bateau-passeur est en opération à marée haute. Des visites guidées sont proposées.
Infos : www.ministersisland.net / 1 506 529-5081