Nouveau-Brunswick
St John : la ville des Loyalistes
La filiation entre St John et la baie de Fundy est plus qu’étroite, mais, ce qui frappe le voyageur, tout comme les milliers de croisiéristes qui y font escale, c’est le charme discret de cette ville qui a farouchement préservé la tradition loyaliste malgré ses origines françaises.
D’abord occupée par les nations Micmacs et Malécites, la région à l’embouchure du fleuve Saint-Jean a aussi été fréquentée par les pêcheurs Basques, Bretons et Normands puis par les explorateurs Gomez et Champlain. Par la suite, les Français s’y sont installés en 1631 et ont établi les fondations de la future ville en élevant le Fort La Tour, du nom de son maitre d’œuvre. Une histoire plus que rocambolesque s’en suit, marquée par les conflits entre Français pour le contrôle de l’Acadie. Le traité d’Utrecht cède ensuite l’Acadie à l’Angleterre en 1713, mais Saint John reste possession française malgré cela. La ville est repeuplée par les Acadiens à partir de 1730. On connait la suite. Les Acadiens sont déportés en 1755, dispersés dans le monde. Les Acadiens du fort Saint-Jean connaitront le même sort après la prise de la ville par Robert Monckton, en 1758. En 1783, à la suite de la Révolution américaine, 3000 Loyalistes débarquent et s’installent dans la région. Ils seront suivis, au 19e siècle, par des milliers d’Écossais et d’Irlandais qui fuient la grande famine.

Les traces de l’histoire
En raison de sa situation, de son port ouvert toute l’année et de ses chemins de fer, la cité joua un rôle important dans le commerce triangulaire entre l’Amérique du Nord britannique, l’Angleterre et ses colonies dans les Caraïbes.
La première banque du Canada, la Banque du Nouveau-Brunswick, y est fondée en 1820. Le premier musée public du Canada y ouvre ses portes, en 1842. Connu à l’origine sous le nom Musée Gesner, d’après l’inventeur de kérosène, Abraham Gesner, il est maintenant devenu le Musée du Nouveau-Brunswick. Saint-John est aussi la plus ancienne ville incorporée au Canada (1785).
Après avoir été le moteur industriel des provinces maritimes et une plaque tournante économique dans l’est du continent, l’économie de Saint-John décline progressivement à partir de l’entrée du Nouveau-Brunswick dans la Confédération. Heureusement, une prise de conscience survient dans les années 1970 et une renaissance du centre-ville est amorcée par la suite, sauvant une bonne part du patrimoine architectural et urbain. En 1982, un grand nombre de bâtiments du centre-ville sont classés monuments historiques et le tourisme alimente un important regain de fierté.
À voir et à faire
Aujourd’hui, Saint-John se présente comme une ville tout à fait charmante malgré la façade industrielle de son port et les fumées de l’horrible moulin à papier de la société Irving du nom de la famille qui garde la main haute sur l’économie locale.
De configuration escarpée, la ville épouse les dénivellations de nombreuses collines et ses rues semblent former un dédale inextricable pour les visiteurs. Tout le vieux quartier, à l’est et au nord-ouest de la rue King, présente des trésors d’architecture victorienne qui ont été magnifiquement restaurés. Les superbes résidences de la rue Germain sont particulièrement attrayantes. La brique rouge utilisée en revêtement extérieur assure cette ambiance typiquement anglaise et une belle uniformité de style. On y dénombre plusieurs galeries d’art et une foule de pubs pittoresques ou de restaurants conviviaux. Les églises anglicanes Trinity, avec son unique clocher, et unie St Andrew-St David, sont des monuments qui mettent en valeur la région par les matériaux utilisés, particulièrement intéressants dans les détails de leurs finitions.
Les deux parcs du secteur ont un petit quelque chose d’irrésistible, celui du vieux cimetière avec ses pierres tombales énigmatiques, de même que celui de Kings Square avec son kiosque musical à deux étages.

Il ne faut pas oublier le très agréable Vieux Marché de 1876 qui serait le plus ancien d’Amérique du Nord. Il faut dire que les gens de St John ont une forte propension à s’affirmer les plus ceci et les plus cela, mais il y a habituellement des petites nuances. La plus ancienne ville au Canada = La plus ancienne ville « incorporée » au Canada. Le plus ancien marché = Le plus ancien marché « en opération continue » par exemple. Ce n’est pas grave. Mais, il faut le savoir. Nous sommes allés au marché au petit déjeuner, un moment idéal pour avoir la tête en l’air et admirer la structure de l’édifice dont le toit évoque une quille de bateau renversée. Au moment de monter leurs étales, les marchands sont particulièrement disponibles, jasants et heureux de montrer certains produits régionaux.
La zone portuaire abrite le Musée du Nouveau-Brunswick qui présente d’excellentes expositions sur l’histoire, sur la baie de Fundy ainsi que des pièces d’exposition impressionnantes sur les mammifères marins qui la fréquentent.
Plus à l’intérieur de la ville, St John possède également un parc urbain exceptionnel, Rockwood Park, qui dispose de 55 segments de sentiers pédestres et cyclistes, de nombreux lacs canotables et baignables. Ils ouvrent une perspective sur la topographie, la géographie et le charme naturel exceptionnels du parc qui se prolonge en quelque sorte dans la baie de Fundy grâce à son intégration au parc Stonehammer, premier membre canadien du réseau des géoparcs de l’UNESCO. De plus, il est doté d’un grand camping qui n’a malheureusement pas beaucoup d’attrait sauf une vue imprenable sur la ville et le fait qu’il soit au milieu du seul parc naturel d’amusement du Nouveau-Brunswick.

Finalement, St John offre le spectacle vraiment stupéfiant du choc des Titans alors que les eaux de la baie de Fundy repoussent celles du fleuve Saint-Jean loin dans les terres à chaque cycle de marée. Sur le site des chutes réversibles, l’expérience en jet boat vous fait littéralement sortir l’adrénaline par les oreilles. La rencontre de l’eau douce et de l’eau de mer provoque des remous d’une puissance effarante, dans lesquels un petit bateau surmotorisé se plonge, se submerge et ressort dans les cris de délire des passagers. Une croisière d’interprétation plus tranquille est aussi proposée en français, à la découverte du port et des vestiges de l’époque de la construction navale.
Puis, si on veut se rendre à la source même de la baie de Fundy, on terminera ce périple à Moncton qui se trouve aux abords de la rivière Petitcodiac qu’on appelle aussi « Chocolate river » puisqu’elle déverse des quantités phénoménales de boue rouge dans la baie de Fundy.