Navajo National Monument et Zion
Quand on dit que ce sont les hasards de la vie qui font les meilleurs moments du voyage le mieux préparé. Nous en avons eu encore l’exemple avec cet arrêt au Navajo National Monument (Arizona) qui ne serait jamais survenu si Joanne n’avait pas oublié sa bourse à Page, nous obligeant revenir sur nos pas et à reprendre l’itinéraire prévu en sens inverse.
Quant à faire, autant aller visiter un parc que nous avions laissé tomber à l’aller, le Navajo National Monument, qui propose la découverte d’un ancien village Pueblo juché dans la montagne. L’accès est gratuit et le centre d’interprétation prometteur. Nous nous préparons à une courte rando vers un belvédère qui offre la vue sur le site historique alors que s’annonce une visite guidée à laquelle nous nous joignons sans savoir que c’est la seule façon d’avoir accès au site archéologique. Sans savoir la longueur de la rando. Sa durée. Sans rien savoir ! Notre guide est un Navajo dans la cinquantaine qui a l’air sympathique et pince sans rire, mais, de prime abord, comme dit Joanne, « il n’a pas l’air jasant. » Erreur !

La rencontre des canyons
La marche nous permet d’abord d’admirer 3 canyons totalement spectaculaires qui convergent ici vers un même point. Une très bonne descente s’amorce ensuite, qui nous conduira jusque dans une vallée où la végétation change radicalement, passant de l’environnement désertique à la forêt verdoyante. Dans la falaise, une gigantesque alcôve se creuse dans la pierre. C’est le village de Betatakin que les Indiens Pueblo ont érigé à flanc de montagne au 12e siècle. Une petite société agricole d’environ 150 personnes n’y a vécu que quelques décennies, rapidement chassée par une longue sécheresse.
Intouché depuis, Betatakin s’est quelque peu détérioré, mais les archéologues l’ont redécouvert à la fin du 19e siècle et il est protégé par l’État depuis 1906. Maintenant, les visiteurs comme nous peuvent y accéder de près, admirer ces constructions simples, mais incroyables et tenter de comprendre la vie de ce peuple d’agriculteurs très particulier.
Ranger Bill

Pour nous y aider, notre guide, qui se fait appeler amicalement Ranger Bill, démontre une connaissance encyclopédique des plantes et de leurs usages médicinaux, de la géologie et de l’histoire. Mais j’accroche sur le fait qu’il nous dise que la pause au village historique pourrait durer deux heures. Qu’y a-t-il tant à faire ou à voir sur place ? Pas grand-chose en réalité. Mais c’est le moment où Ranger Bill s’assoit pour nous expliquer la vision du monde des Navajos. Il dessine sur le sol un plan de maïs qui résume toute sa philosophie à partir de la tige de la vie jusqu’aux variantes où peuvent nous entraîner les branches. Un monde où tous les éléments de la nature sont liés à la vie et où prédomine la conscience de l’interrelation entre chaque chaînon de l’existence. Sa prière est un perpétuel remerciement envers les animaux qui sont sacrifiés pour assurer la survie, la pluie qui fait pousser le maïs et les courges, le vent qui distribue le pollen, les plantes qui guérissent… Toute une leçon de vie et de culture que nous a servie Ranger Bill durant deux heures, à l’abri de l’arche de pierre qui protégeait les Pueblo il y a 800 ans.
Imaginez que le Navajo National Monument propose même deux magnifiques terrains de camping (sans services) tout à fait gratuitement ! On est loin des capitalistes de Monument Valley ! Ça fait du bien !

Zion – Utah
Déjà, entre Monument Valley et Zion, la route n’avait de cesse de nous éblouir avec son désert planté de formations rocheuses époustouflantes. On ne s’habitue pas à ces merveilles naturelles qui nous éblouissent à mesure que déroule un horizon plat jusqu’au plus loin. Mais voilà que le relief s’annonce avec le piémont des Rocheuses et que l’on s’élève avec la route 89, puis la 9 qui vallonne, grimpe et commence à serpenter. On s’élève résolument vers des sommets déchirés par des canyons que les temps immémoriaux ont « gossés » à coup de grafignes et d’égratignures. Des grains de sable ont sculpté des murailles et des forteresses. Des gouttes d’eau ont creusé des failles sans fond. Les vallées deviennent des corridors gigantesques que le soleil n’arrose que quelques heures par jour. Nous arrivons au parc national Zion. Nous y entrons par-dessus les montagnes, sur la route du Mont-Carmel qui dévale en un lacet de 16 km enfilant deux tunnels, dont un de près de 2 km que je trouve dangereusement sombre… J’aurais dû enlever mes verres fumés !
Nous entrons et ressortons du parc après avoir été émerveillés par son environnement, mais nous n’avons rien vu en réalité. La petite ville de Springdale a été créée pour servir Zion et profiter de la manne ahurissante des touristes. Aux premiers jours de juin, nous avons réussi de justesse à avoir une nuit dans un camping privé (80 $ Can) et une dans un camping du parc, 3 jours plus tard. Tout est déjà plein partout. Deux jours restent à improviser entretemps.

Du camping privé, géré par la chaîne hôtelière Quality Inn, nous revenons dans le parc pour une première rando sur la Watchman Trail, à partir de l’accueil. Une bonne montée qui nous amène devant un amphithéâtre de palissades étourdissantes qui s’ouvrent sur le canyon Zion.
Le lendemain, nous nous tapons la plupart des courtes randonnées le long du canyon. Zion est principalement un parc « familial » ou « grand public » à quelques exceptions près. Le parc offre un système de navettes extrêmement efficace qui véhicule les milliers de visiteurs quotidiens au fil de 9 stations, points de départ de sentiers généralement courts et faciles qui conduisent le long de la rivière Virgin, artisane de tout ce décor, ou au pied de chutes et de belvédères. On y fait plusieurs belles découvertes et on passe de bons moments sous le soleil cuisant au bord de la rivière.

Où coucher ?
Mais voilà qu’il faut penser à se trouver un nid pour la nuit. Impossible de stationner la nuit où que ce soit dans le village. Les affiches « No overnight parking » et « No overnight camping » sont plantées sur tous les poteaux de la place. Si tu n’as pas de place dans un camping… Sacre ton camp ! Le message est clair. Deux heures de recherche jusqu’à 20 km de Springdale viennent à bout de mes espoirs. Toutefois, à l’information touristique, le gars me prend en pitié et me parle de terres publiques, à 23 km du village, où il est possible de camper gratuitement. On s’y rend pour découvrir un territoire fabuleux. Le vrai désert entouré de montagnes où nous sommes fin seuls à triper comme des enfants.
C’est le moment qu’attendait le système électrique du VR pour nous lâcher une deuxième fois. Les batteries intérieures toutes neuves ne chargent plus à nouveau. Plus d’éclairage. Plus de chauffage et de ventilation. Plus d’eau ni de toilette… Bon ! Ça ne nous empêchera pas de savourer un délicieux plat de poulet Général Tao maison et de s’endormir en écoutant hurler les coyotes.
Les révélations de Zion
Nous réservant le meilleur pour la fin, l’avant-dernière journée est consacrée au vélo et nous refaisons toute la route du canyon en ajoutant quelques sentiers pédestres et en prenant notre temps au superbe lodge qui se trouve en plein milieu du parc. Nous retournons dans le désert le soir, mais nous avons la mauvaise idée de changer de campement pour nous retrouver finalement au milieu d’un groupe de campeurs.
C’est le dernier jour que nous avons donné la claque avec le sentier vedette du parc : Angels Landing. Le sentier The Narrows, qui se marche dans l’eau de la rivière Virgin, entre les parois étroites du canyon, est fermé à cause de la crue.

Angels Landing est apparemment un des sentiers les plus populaires aux É.-U. et c’est véritablement la foule bigarrée qui s’y lance malgré la montée exceptionnellement abrupte et vertigineuse des 4 premiers kilomètres. Ensuite, c’est 10 fois pire ! Un kilomètre et demi sur une crête à 1000 pieds dans le vide. Trop pour moi ! Accrochée à une chaîne, au milieu de la foule qui monte et descend, Joanne a réussi cet exploit incroyable quand on regarde ce sommet de loin. Une fine ligne qui monte au ciel, ou en enfer c’est selon, sur un sommet qui n’en finit plus de s’étirer après deux descentes et une longue ascension finale. Ce n’est pas l’Everest, mais ce que Joanne a réalisé cet après-midi me dépasse et j’admire son courage ou sa témérité !

Le soleil achève maintenant d’allumer les feux des montagnes qui entourent le camping Watchman du parc. Nous pouvons nous brancher ce soir, mais la pompe à eau refuse de fonctionner. C’est aussi ça la vie de campeur. Heureusement, ça a ses bons côtés…


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