Minganie : Le bout du pays
La Minganie c’est un peu le pays dans le pays. Grosso modo, la Côte-Nord dans sa totalité de 1 250 kilomètres de rivage, se divise en deux sous-régions touristiques : Manicouagan, de Tadoussac jusqu’à passé Godbout, puis Duplessis qui occupe tout le reste, jusqu’à Blanc-Sablon et la pseudo frontière du Labrador.
À l’intérieur de la région Duplessis, on distingue trois autres territoires qui ont vraiment chacun leurs caractéristiques propres. Port-Cartier/Sept-Îles, c’est le milieu urbain, industriel, commercial et cosmopolite. La deuxième cité portuaire au Canada, après Vancouver, dans un environnement naturel tellement impressionnant qu’elle a accaparé des milliers d’hommes et de femmes provenant de partout dans le monde. Les Ilnu de la nation Montagnaise vivent sur ce territoire depuis des millénaires et se sont maintenant regroupés dans les communautés de Uashat (Sept-Îles) et Mani-Utenam.

À l’autre bout de ce que Jacques Cartier, un peu effrayé par ce territoire austère, a appelé « la terre que Dieu donna à Caïn », c’est la Basse-Côte-Nord. Voilà bien un bout du monde qui fait rêver bon nombre de voyageurs en quête d’aventure, mais qui n’est pas encore accessible par la route. À partir de nos régions lointaines, on a souvent de la difficulté à définir l’espace occupé par la Basse-Côte. J’ai longtemps cru qu’elle débutait là où la route se terminait avant 1998, à Havre-Saint-Pierre. Eh non ! La Basse-Côte va très exactement de Kegaska à Blanc-Sablon, dans une alternance étonnante de villages francophones, anglophones et autochtones.
Entre les deux, il reste ma Minganie chérie. Elle s’étend de la rivière Moisie jusqu’à Pointe-Parent et Natashquan où se termine maintenant la route # 138 dont le segment nord-côtier est considéré par plusieurs comme la plus spectaculaire au Québec. La marque de commerce de la Minganie demeure son archipel et son parc national avec ses extraordinaires monolithes, ses macareux colorés et les baleines qui s’amusent dans ce décor. C’est aussi ses petits villages incroyablement pittoresques dont les seuls noms arrivent à m’émouvoir : Rivière-au-Tonnerre, le joyau bucolique. Longue-Pointe et Mingan, les perles de mer. Natashquan, la vedette qui fait rêver. Baie-Johan-Beetz, le refuge paisible. Havre-Saint-Pierre, la petite capitale et la terre des Cayens. Mani-Utenam, Magpie, Rivière-Saint-Jean, Sheldrake et Aguanish… Autant de hameaux merveilleux que les touristes les plus avisés découvrent avec ravissement en été.


Au fil de la mer
Depuis le prolongement de la route jusqu’à Natashquan, la Minganie est devenue la nouvelle destination à la mode pour les caravaniers et les autres voyageurs les plus curieux. Ceux et celles qui ne craignent pas un petit dépaysement, l risque d’un temps un peu plus frais, d’un brouillard ou d’un vent au goût de sel. La région ne compte pas de gros campings super équipés comme on en trouve plus à l’ouest, à cause de la brièveté de la saison touristique. On compense par des plages sans fin qui font souvent des dizaines de kilomètres de longueur, ainsi que par un accueil amical comme nulle part ailleurs. C’est le cas du camping Laurent-Val, en bordure de la rivière Moisie, où Danièle Poitras nous reçoit comme des amis de toujours. C’est une femme adorable et incroyablement généreuse, une cueilleuse de bleuet hors pair, mais elle est aussi un tantinet spéciale. Disons qu’elle en mène large et qu’elle n’a pas la langue dans sa poche. Si vous avez besoin de conseils dans la poursuite de votre séjour en Minganie, elle en a tout un lot pour vous, carte et dépliants à l’appui. Elle aime tellement sa région qu’elle a monté son propre bureau d’information touristique en se substituant à tous les organismes officiels dont elle se méfie comme la peste. Jacques Blais, c’est son « chum ». Un gars gentil comme tout et serviable au possible, mais discret. Un aventurier modeste comme en retrouve sur la Côte-Nord.
Le lendemain de notre arrivée, Jacques met un canot de fibre sur le toit de sa voiture et emprunte une petite route de sable pour nous conduire 16 kilomètres plus en amont sur la rivière en vue d’une extraordinaire descente en canot sur la légendaire rivière à saumon. C’est un forfait des plus accessibles qu’il offre à tous ses visiteurs. Une expérience relativement facile et carrément envoûtante pour quiconque a déjà donné quelques coups d’aviron dans sa vie. Après la descente en glissade de 300 marches jusqu’au lieu de mise à l’eau, il n’y a plus qu’à se laisser aller doucement dans le courant en s’arrêtant sur les longues plages blondes pour faire la sieste et prendre la collation. La rivière est large et étonnamment peu profonde puisqu’on en voit le fond fréquemment. Du sable, encore du sable partout, des grands bancs de sables invitants dans la première partie de la descente en territoire plus sauvage. Plus on approche du camping, de la route et de l’embouchure de la rivière, plus on voit de chalets et de résidences qu’occupent les gens de Sept-Îles puisque, ne l’oublions pas, nous sommes encore en banlieue de Sept-Îles. Voilà quand même une façon extraordinaire d’aborder la Minganie. Méfiez-vous toutefois du vent pour ne pas vous faire surprendre comme nous et avoir à travailler fort pour atteindre le port d’attache. (à suivre)
Informations
- ATR Duplessis : 1-888-463-0808 # 11
- Camping Laurent-Val : 1-877-573-8860
