Officiellement, mon voyage de presse est terminé. Ce projet avait débuté par une demande du bureau touristique de la Virginie, désireux de faire connaître les attraits aux alentours de deux des routes pittoresques, le Skyline Drive et le Blue Ridge Parkway. Je m’étais engagé envers eux à publier un nouveau carnet chaque jour afin de témoigner de mes découvertes et impressions.
À partir d’aujourd’hui, je peux donc me considérer en vacances puisque mon engagement a été rempli. Toutefois, je tiens à vous rassurer, je n’ai pas l’intention de vous laisser tomber, vacances ou non.
Dorénavant, ce que cela va changer dans mes carnets se résume à ceci. Moins de contraintes, un agenda beaucoup plus détendu dont je serai le seul maître (après l’approbation de Michelle, bien sûr). Nous allons donc continuer le Blue Ridge Parkway jusqu’à sa limite Sud, comme je vous l’avais annoncé.
D’ailleurs, ce soir, nous couchons en Caroline du Nord, dans un camping dont je vous reparlerai demain plus en détail, car nous allons probablement y séjourner un ou deux jours de plus, histoire de nous réhabituer à un rythme moins trépidant que celui des derniers jours.
Hier soir, nous avons assisté au spectacle de clôture de la semaine des chevaux à Salem. Des dizaines de concurrents dans une multitude de catégories se sont affrontés dans le manège intérieur de la ville. Oh ! merveille, cet édifice était climatisé, un baume après la chaleur écrasante et l’humidité des derniers jours.
Nous y avons vu des cavaliers et des entraineurs qui vouent un véritable culte au cheval. Il est vrai qu’il s’agit, à mon avis, du plus bel animal sur terre, après certains humains, cela va de soi.
De chevaux bien dressés, au pelage lustré, dont la queue, tellement longue, traînait souvent par terre. Il était évident, à en juger par le plaisir de la foule que nous étions au pays de grands amateurs. Manifestement, les cavaliers et cavalières, dont certains dans la soixantaine, avaient un très grand respect de leur monture. Dans certaines catégories, ils la montaient, dans d’autres ils la conduisaient, assis dans sur inconfortable sulky ou dans une petite voiture à quatre roues.
Au commandement du maître de piste, ils devaient varier la cadence du pas, au trot, au petit galop et étaient jugés sur l’obéissance de leur cheval. Tous ces cavaliers, comme les chevaux d’ailleurs, avaient revêtu leurs plus beaux atours. Les hommes portaient un Panama, un long manteau, une chemise à jabot avec cravate ou noeud papillon, alors que les femmes arboraient un petit chapeau et une robe longue souvent sous une redingote. Une vraie parade du dimanche quoi ! Selon les catégories, on montait à l’anglaise ou à la western.
Normalement, depuis ce matin, j’aurais dû me sentir vieux. C’était du moins la prétention du calendrier. Qu’il aille au diable ! Je n’ai surtout pas l’intention d’arrêter de trotter (un mot choisi volontairement pour faire la transition entre les deux paragraphes) ni de voyager. Ces 11 derniers jours, j’ai le privilège de vivre avec une femme plus vieille que moi. Maintenant, je ne peux plus lui reprocher son âge, puisque je l’ai rejoint. Zut ! Il va me falloir trouver autre chose pour la taquiner.
Parlant de trotte, je mentionnais au début que nous avions terminé la portion du Blue Ridge situé en Virginie. La veille de notre arrivée à Salem, nous avions noté un changement dans le paysage. Le Blue Ridge avait délaissé le sommet des montagnes pour redescendre dans la vallée de Roanoke. Les pentes comme les courbes étaient devenues beaucoup moins prononcées. Des champs cultivés remplaçaient petit à petit la forêt. Ça et là, des fermes jalonnaient la route. Il était clair que nous nous rapprochions de la civilisation.
Aujourd’hui, nous avons retrouvé le Blue Ridge à l’endroit exact ou nous l’avions laissé pour aller à Roanoke. Hors de question de sauter un seul kilomètre, j’avais annoncé que nous ferions tout le parcours, nous le ferons au complet.
Le segment de Roanoke à la frontière Sud de la Virginie est lui aussi relativement aisé à parcourir. L’altitude n’y dépasse guère 1 100 mètres et les courbes et les montées y sont moins nombreuses que dans la partie nord. Ça et là, quelques campings accueillent les voyageurs en quête d’un havre passager. Plus loin, un terrain de pique-nique jouxte une halte où des musiciens jouent chaque dimanche. Lorsque nous y sommes passés, ils étaient une dizaine, à torturer leurs violons, banjos, guitares ou contrebasse pour la plus grande joie de la vingtaine d’amateurs se prélassant dans autant de chaises berçantes.
Bon, il est 22 h 30 et je crois que je vais aller m’étendre auprès de ma Michelle. Je commence à être fatigué. De grâce, laissez-moi croire que ma fatigue découle de la grande chaleur et de l’humidité et non de la vieillesse.
Bon anniversaire M. Laquerre et de nombreux voyages.
Bonne fête alors!