Marche avec les ours
Dans le sud-ouest des États-Unis, il faut se méfier des serpents dans les sentiers. En Colombie-Britannique et plus encore au Yukon, la menace vient des ours. C’est là, en effet, qu’on trouve les plus grandes concentrations d’ours noirs et de grizzlis. À tout prendre, je préfère les serpents. Plus répugnants sans doute, moins nounours, mais plus timides et plus discrets. À condition de ne pas déranger ces reptiles au sang froid et à la colonne molle, ils ne s’attaqueront pas à vous.
Les ours non plus, paraît-il. Mais, car il y a un gros mais, ils sont plutôt imprévisibles. Eh oui, parfois ils attaquent, et malgré leur air lourdaud, ils sont aussi rapides que dangereux.
Selon un documentaire qu’une préposée à l’information du parc Kluane a programmé spécialement pour Lise et moi, il n’y aurait que trois morts par année provoquées par les ours. Vu sous cet angle, ça semble assez peu, à condition bien sûr de ne pas être personnellement impliqué.
Sur les blessures causées par les ours par contre, le film était assez peu bavard, le narrateur se bornant à dire qu’elles sont plus nombreuses. Combien? Des dizaines, des centaines? Allez savoir!
Le documentaire voulait nous initier à décrypter le comportement des ours, de façon à ce que nous sachions comment nous comporter en cas de rencontre inopinée et indésirable. L’ours, faut-il apprendre, peut avoir un comportement défensif ou agressif. Dans le premier cas, il faut lever les bras et lui parler d’une voix grave tout en reculant lentement, sans s’énerver. Dans le second, il faut soi-même se montrer agressif pour dissuader Yogi de foncer sur vous.
Là où les choses se corsent, c’est lorsque l’ours décide de vous agresser quand même. Si l’attaque est défensive, vous vous jetez au sol et faites le mort. Si l’attaque est offensive, il faut au contraire se débattre comme un diable dans l’eau bénite. Mais comment savoir si la grosse bête qui se rue sur vous est d’humeur défensive ou offensive? That’s the question!
– Chérie, il y a un ours juste-là. Te souviens-tu si les oreilles bien droites indiquent une offensive?
– Oui, mais là, elles sont pas droites.
– Non, non, elles sont droites.
– Mais non, elles sont par en avant, je te dis.
J’ai bien peur que, pendant qu’on s’obstinerait, l’ours ait le temps de nous dévorer.
C’est dans ce contexte pas très rassurant que nous avons parcouru quelques sentiers dans le beau parc Kluane. Nous avons beaucoup chanté, comme on nous le conseille. Nous avons même fait des «hi yu», comme le faisaient jadis les femmes autochtones quand elles allaient cueillir de petits fruits. Mais toujours on avançait en craignant de voir surgir un monstrueux grizzli. Je suis devenu à ce point obsédé que j’ai fini par acheter une bonbonne de gaz poivre. Ici, c’est contre les lourdauds aux longues griffes qu’on utilise ce produit, pas contre les manifestants aux casseroles. Il faudra juste penser à lire le mode d’emploi avant de croiser un de ces mastodontes.
Bref, il y avait trop d’ours. Mais aussi trop de nuages, trop de pluie, trop d’arbres, trop de nids-de-poule, trop de moustiques et pas assez de cafés, de boutiques, de villes ou même de villages. Peut-être notre bipolarité nature-civilisation est-elle en train de s’inverser. Toujours est-il que nous avons décidé de ne pas moisir dans les parages. «C’est beau, mais c’est un peu loin pour venir voir de belles montagnes», a laissé tomber Lise. C’en était fait du Yukon.
Cela dit, je ne voudrais pas vous décourager de vous y rendre. Peut-être allez-vous adorer. Encore faut-il avoir la fibre nordique, mais Lise et moi n’avons pas été tissés dans cette laine.
Le carnet du caravanier
J’ai déjà souligné qu’en Colombie-Britannique et en Alberta, on s’est rarement adressé à nous en français. Assez étonnamment, au Yukon, ce fut le contraire. Dans tous les centres d’information où nous nous sommes arrêtés, il y avait une francophone pour nous parler, au demeurant dans un français de belle qualité.
Par ailleurs, des Québécois rencontrés sur un camping nous avaient raconté des horreurs sur les prix au Yukon. «C’est le double, en particulier dans les épiceries», nous avait-on affirmé. N’en croyez rien! Les tarifs des campings sont plutôt modiques : de 12$ à 15$ pour les gouvernementaux, autour de 35$ pour les privés. Pour l’alimentation et l’essence, les prix sont sans doute un peu plus élevés, mais pas à faire dresser les cheveux sur la tête. D’autant plus qu’il n’y a qu’une seule taxe de vente : la TPS ; ce qui représente donc pour nous Québécois surtaxés une belle économie de 10%. J’en ai même profité pour faire l’achat d’un iPad, qui était au même prix que dans tous les Staples du Canada.
Enfin, je vous avais vanté les vertus du point d’accès à l’internet de Rogers. Au Yukon hélas, ce point est au point mort. Son silence commence d’ailleurs dès le nord de la Colombie-Britannique. Même le cellulaire de Rogers ne fonctionne pas ici.
Il me faut donc me brancher au Wi-Fi des campings, quand il y en a, en me servant de mon antenne VJB-NS2. Malheureusement, les réseaux nordiques sont plutôt médiocres. À tel point que le surf sur l’internet ressemble souvent à cette ancienne pub où l’on voyait un cowboy provoqué en duel mettre un temps fou avant de pouvoir dégainer, le téléchargement étant trop lent. Ça me rend fou!
Lise vous fait ses amitiés. On se revoit la semaine prochaine, quelque part en Alaska, où nous faisons une brève incursion.
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