On associe généralement la Floride à des villes comme Daytona, St Augustine, Fort Lauderdale, Miami, Key West, Fort Myers ou Tampa. À l’exception d’Orlando et de Kissimmee, pratiquement aucune ville à l’écart de la côte ne figure sur cette courte liste. Quant au nord-ouest de la Floride, il trouve rarement place dans cette énumération. Pourtant, il le devrait. Voici pourquoi.
Le nord-ouest de la Floride, familièrement appelé « Panhandle » (que l’on traduirait en français par « queue du poêlon », en référence à la forme de ce territoire) est une région plutôt méconnue des Québécois, pour de multiples raisons. Tout d’abord, nos compatriotes fuyant la froideur de nos hivers préfèrent opter pour le sud de l’État et miser sur une valeur sure en matière de température. Quant aux vacanciers d’été, ils pensent plus à Orlando-Kissimmee pour les innombrables parcs d’attractions qui s’y trouvent.
Pourtant, si durant l’hiver le sud et le centre de la Floride jouissent généralement d’une température qui fait rêver, il en va autrement l’été, quand une chaleur intense et une très forte humidité prennent le dessus, souvent pendant plusieurs journées d’affilée. Le nord-ouest de la Floride devient alors un choix intéressant puisque la moyenne des températures estivales y est plus basse d’environ trois degrés Celsius. Pendant cette même période, au sud, les précipitations sont près de 50 % plus élevées que dans le Panhandle. Pour le caravanier qui, habituellement, se rend en Floride l’hiver, les mois d’octobre, novembre, mars et avril sont à privilégier pour visiter le nord de l’État.
La « Côte émeraude »
Surnommée « Emerald Coast », la partie nord du golfe du Mexique, qui va de Panama City jusqu’à la frontière occidentale de la Floride, possède des plages qui justifient amplement cette appellation exotique. Selon les scientifiques, sa couleur émeraude serait le résultat de la réfraction de la lumière du soleil sur les algues en suspension dans l’eau. Si algues il y a, elles doivent être microscopiques puisque pour l’oeil humain, l’eau semble immaculée et que l’on peut facilement voir le fond à plusieurs mètres sous la surface.
En pente très douce, les plages de cette région présentent un sable d’une blancheur exceptionnelle, doux comme une farine de qualité. Au premier regard, les dunes qui les bordent ne sont pas sans rappeler nos congères de neige, desquels émergent toutefois des brindilles de foin de mer. Une vision plutôt déstabilisante pour tout Québécois qui se respecte !
Sur plusieurs centaines de kilomètres, cette Emerald Coast se subdivise en sous-régions revêtant chacune un caractère bien précis. Les voyageurs l’ayant traversée à maintes reprises peuvent témoigner de la popularité de la Côte émeraude en toute saison. Cependant, d’une année à l’autre, le paysage se métamorphose. De nouveaux développements immobiliers, rivalisant en beauté et en couleurs, y poussent comme des champignons. Commerces, restaurants, bistros s’y multiplient pour répondre aux besoins et attentes des visiteurs et résidents. Tout y est propre, calme et harmonieux, semblant répondre à un plan de développement bien conçu. La Côte émeraude vaut le détour, c’est certain !
Fort Walton Beach
Premier arrêt, le Destin West RV Resort dans la ville du même nom. Centre névralgique de Fort Walton Beach, Destin est une ville particulièrement attirante pour les touristes. Quant au camping, une recherche sur internet vous permettra de constater qu’il s’agit d’un complexe réunissant un hôtel luxueux et un camping assorti, situés sur une étroite langue de terre. Sur le côté sud de la route, l’hôtel avec plage privée donne directement sur le golfe pendant que du côté nord, le camping pointe vers la lagune.
Pour les caravaniers, même si le camping donne accès à tous les services de l’hôtel, il est plutôt difficile de justifier le tarif exorbitant facturé. Durant la relâche du printemps, qu’on appelle ici spring break, il faut compter environ 175 $ US la nuitée, une folie impossible à répéter sur une base quotidienne. Malgré cela, lors de notre visite, le camping affichait complet.
À quelques minutes de marche, dès l’aube, une longue jetée devient une attraction en soi alors que de nombreuses personnes s’y rendent voir le soleil émerger des eaux du golfe du Mexique. Une fois la journée amorcée, une courte balade en voiture mène au Harbour Walk Village, situé sur la pointe ouest de Destin. On y trouve des restaurants à profusion, des boutiques, des bistros, mais aussi une offre d’activités plutôt variée. Ainsi, pour les amateurs de sensations fortes, une tyrolienne aller-retour surplombe la promenade tout en offrant une vue plongeante sur la mer. Des pontons et des motomarines y sont aussi offerts en location pour s’amuser dans les eaux calmes de la lagune ou s’échouer sur le sable le temps d’un piquenique.
On peut aussi opter pour une croisière de deux heures offerte par Southern Star Dolphin Cruise. Cette agréable escapade longe la côte et permet d’avoir une vue d’ensemble de celle-ci. Il faut voir le plaisir des dauphins à nager tout près du bateau et même souvent directement devant la proue. Peu onéreuse, environ 25 $ US par personne (tarif ainé), cette balade tranquille mérite d’être faite.
La pêche, sportive ou commerciale, joue un rôle important dans l’économie de cette région de la Floride. Si la majorité des restaurants propose poissons et fruits de mer au menu, c’est cependant au Fishing and History Museum qu’il faut se rendre pour vraiment comprendre l’influence de cette industrie sur le développement de la région. Présentant techniques de pêche, variétés de poissons, crustacés et fruits de mer locaux, types d’embarcations et évolution des équipements utilisés au fil des ans, l’endroit se révèle des plus instructifs.
Santa Rosa County
Quelques kilomètres vers l’ouest suffisent pour atteindre Navarre, dans le comté de Santa Rosa, et établir le campement à l’Emerald Beach RV Park, lui aussi sur le bord du golfe, mais nettement plus abordable que le précédent. Chaudement recommandé, le Johnny Huston’s Grille & Bar est réputé pour la qualité de ses hamburgers et sa bière très froide. Certes, le service y est moins rapide que dans les chaines spécialisées, mais ce qui est servi récompense bien une légère attente. Gage de fraicheur, la préparation du hamburger – ou d’un autre mets – s’amorce toujours après la commande, assurant ainsi une cuisson et une température au gout du client.
Une fois l’estomac rassasié, une visite au Navarre Beach Sea Turtle Center convient parfaitement. Cet établissement s’est donné comme mission « Giving Sea Turtles More Tomorrows », ce qui n’a vraiment pas besoin d’une traduction pour être comprise. Que voilà une belle occasion d’en apprendre sur les tortues, mais surtout de s’imprégner d’une lenteur qui convient tellement bien au rythme de vie de la région de Navarre !
Véritable aspect culturel et sociologique du nord de la Floride, la présence militaire joue aussi un rôle majeur dans l’économie de cette partie de la Floride. L’Air Force Armament Museum, un musée dont l’accès est gratuit, s’avère fort instructif sur les différentes armes de guerre utilisées par les soldats américains. À l’intérieur, mitraillettes, munitions, grenades et même une bombe nucléaire de type Fat Man (désamorcée), comme celles utilisées sur Hiroshima et Nagasaki en aout 1945. Tout autour de l’édifice, plus de 29 vaisseaux aériens, dont plusieurs utilisés durant la Seconde Guerre mondiale et au Vietnam, dorment sagement sur la pelouse. Il ne faut pas un grand effort d’imagination pour les voir s’envoler, livrer combat ou vomir leurs mortelles bombes.
Un autre musée, l’Arcadia Mill, propose de remonter de quelques siècles dans l’histoire de la région, aussi loin qu’avant la guerre de Sécession, époque où l’esclavage était encore permis. Une maison-musée présente aux visiteurs des artéfacts d’un mode de vie aujourd’hui disparu. À l’extérieur, sur l’immense propriété de 2,7 ha se trouvent des vestiges des bâtiments de l’époque et du moulin où travaillaient les esclaves. Propriété de la famille Simpson, la maison principale qu’ils habitaient encore lors de la Grande Dépression au début du siècle dernier présente de nombreux objets liés à leur quotidien. Photos et tableaux explicatifs ramènent le visiteur dans cet univers révolu. Il faut compter quelques heures pour tout visiter, surtout si l’on profite de l’occasion pour faire un piquenique dans cette belle nature boisée et vallonnée.
Pensacola
L’ile de Santa Rosa, qui commence à Destin pour venir mourir dans la baie de Pensacola, aura constitué la trame de fond de ce voyage. Un dernier camping près de l’eau, le Pensacola Beach RV Resort, servira de camp de base à la fin du trajet.
Avec leur gout prononcé pour les formules chocs, nos voisins ont inventé l’expression « park and play resort » pour qualifier ce type de camping. Cela signifie qu’une fois le VR sur son emplacement, on peut trouver à proximité plage, activités nautiques ou autres, boutiques, restaurants, bars et cafés, sans qu’il soit requis d’utiliser sa voiture. Évidemment, il s’agit là d’un strict argument de marketing puisque dans ce pays tout déplacement de plus de 100 mètres se fait toujours en automobile, une valeur fondamentale de la culture du pays.
Le Pensacola Lighthouse and Museum, un phare vieux de 150 ans, a durant des années aidé des milliers de bateaux de pêcheurs ou de commerçants à retrouver leur chemin vers le port. Malheureusement, au moment prévu pour le visiter, la pluie et le brouillard ont conjugué leurs efforts pour faire disparaitre l’horizon et rendre toute photo impossible. En guise de consolation, nos jambes étaient reconnaissantes d’être dispensées de gravir les 177 marches menant au sommet du phare.
Arrêt à Fort Pickens
En dépit de nombreux voyages dans cette région, le temps avait toujours manqué pour se rendre à Fort Pickens, un établissement militaire stratégique, aujourd’hui désaffecté. La météo venait donc de créer une opportunité exceptionnelle de corriger cette situation. Une occasion que nous n’avons pas regrettée, loin de là.
Lors de sa construction, la mission de Fort Pickens était de protéger la baie de Pensacola contre d’éventuels envahisseurs étrangers. Malheureusement, la seule fois où ses canons furent utilisés, ce fut contre des citoyens du pays, dans un combat opposant les forces confédérées à celles de l’Union.
Parlant histoire, en arrivant à Fort Pickens, un arrêt s’impose au centre d’interprétation pour visionner la vidéo qu’on y projette. En une vingtaine de minutes, ce qu’on y apprend sur sa construction, son architecture et la vie de ceux qui y résidaient rend beaucoup plus agréable et significative la visite qui suivra. Notons aussi la présence sur les lieux d’un camping rustique où l’on peut séjourner quelques jours à condition d’avoir prévu les victuailles nécessaires avant d’arriver. Les emplacements y étant peu nombreux, une réservation s’impose.
Visiter la région de Pensacola sans déambuler dans la rue Palafox constituerait presque un sacrilège. Boutiques, restaurants, cafés et bars s’y succèdent en créant une atmosphère unique. Ce que l’on nomme le Vieux Pensacola témoigne bien de l’influence espagnole et de l’héritage français des lieux. Plusieurs maisons, avec leurs longs balcons supportés par des colonnes en fer forgé aux multiples arabesques, rappellent La Nouvelle-Orléans. Des tours guidés permettent d’observer et de mieux comprendre l’influence que l’époque coloniale et l’ère victorienne ont eue sur l’architecture locale. Ces balades commentées ne se limitent pas à ce que l’on aperçoit de la rue puisqu’elles amènent les touristes à l’intérieur de maisons aux meubles d’époque ainsi qu’à l’une des plus vieilles églises de la Floride.
Pour conclure avec gout
Pour marquer la fin du périple de belle façon, un souper s’impose au Pensacola Fish House, véritable institution de la gastronomie locale. Le temps tournant à la grisaille au moment de notre visite, nous avons préféré prendre une table à l’intérieur plutôt que sur la magnifique terrasse extérieure. Il n’est pas exagéré de dire que ce restaurant situé près des quais a un accès direct aux bateaux de pêche, ce qui devient un gage de fraicheur des plats offerts. On ne compte plus les prix octroyés à The Fish House ni les célébrités politiques ou artistiques qui y ont mangé. D’ailleurs, chaque weekend, des réceptions de mariage et autres évènements du genre se succèdent dans les nombreux salons de l’établissement.
Toute bonne chose ayant une fin, le lendemain matin, nous levions l’ancre, une expression fort à propos pour cette région. Malgré le plaisir éprouvé à découvrir Pensacola, nous en sommes repartis avec un regret, car nous avons dû renoncer à la visite de la Naval Air Station. Cette base héberge l’escadrille de haute voltige Blue Angels, dont les performances dans le ciel sont universellement reconnues.
Sur cette base militaire se trouve une salle où un écran géant, véritable simulateur de vol, propose aux visiteurs une expérience unique. Les spectateurs y ont l’impression d’être à bord de ces avions de chasse et de participer aux manoeuvres
exécutées lors de spectacles aériens.
Malheureusement, tous les citoyens étrangers doivent montrer patte blanche et présenter un passeport valide pour entrer. Ignorant cette obligation cruciale et les passeports ayant été laissés dans la caravane, le temps s’est révélé trop court pour aller les chercher et revenir avant la fin des visites. Ce sera donc partie remise.
Texte et photos : Paul Laquerre
Magazine Camping Caravaning, vol. 26 no 7, octobre-novembre 2020
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