Le déluge, où ça?
Les savants spécialistes nous avaient préparés à de la pluie, beaucoup de pluie. En fait, ils nous annonçaient quatre précipitations à la queue leu leen autant de jours. Chacune devait être plus forte que la précédente. Le déluge était donc prévu pour le jeudi 21 janvier.
Tous les bulletins de nouvelles reprenaient cette litanie comme pour être certains que nous comprenions bien la gravité de la situation. Lundi arrive, des nuages et à peine quelques averses. Bon, dis-je à Michelle, encore une « baloune » médiatique.
Mardi matin, du soleil et, à l’horizon des nuages qui se profilent. Fidèle à ses prévisions, a météo nous dit que les averses vont arriver à compter de 13 h 15. Avec précision, le ciel obéit aux météorologues. Tempête, que non, rien pour justifier un imperméable et des bottes, peut-être un parapluie pour ne pas trop s’abîmer la coiffure. Décidément, ils font tout un plat avec pas grand-chose.
Mercredi, troisième tempête, cette fois, nous avons droit à un peu plus de pluie, mais aussi à des éclaircies éparses, moins nombreuses que la veille, mais suffisamment longues pour permettre d’aller marcher. Tous les bulletins de nouvelles débutent avec le même message alarmiste. Haïti vient loin, très loin derrière. Je constate encore une fois que l’ordre des valeurs est très différent selon que l’on est au Québec ou au sud de la frontière.
Arrive jeudi, point culminant de ce chapelet de tempêtes. Toute la journée, la pluie se fait beaucoup plus régulière. Le vent souffle du sud-est et les bourrasques sont passablement fortes. Heureusement, ne voulant pas risquer de voir l’auvent de l’Alto jouer au cerf-volant, je l’avais rangé depuis deux jours.
Tout l’après-midi, le vent fait en sorte que la pluie frappe sur les murs de la caravane. Celle-ci se fait secouer fortement et nous suivons le mouvement. Le seul véritable moyen pour saisir l’importance de la pluie qui tombe est de jeter un oeil à la fenêtre. Nous pouvons encore voir les voisins de l’autre côté de la rue. On a vu bien pire.
Viens la soirée. Lorsque la noirceur descend, l’humain a beaucoup plus de difficulté à se situer dans l’espace et la réalité a tendance à se déformer de façon angoissante.
À la télé, la programmation habituelle est souvent interrompue par un signal strident. Chaque fois, une voix grave annonce qu’il s’agit d’une Emergency Alert. Alors que l’annonceur livre son message, au bas de l’écran, ses propos sont repris en sous-titres rouges. Avec insistance, il incite les gens à ne pas sortir inutilement et, s’ils sont sur la route, à changer de chemin en constatant que devant eux, la route est inondée. Chaque message se termine par la liste où des « flash floods » sont observées.
Vers 21 h, alors que la pluie et le vent font la fête dehors, un météorologue, appuyé de cartes animées aux couleurs vives et foncées, se pointe à l’écran chaque cinq ou dix minutes. Son message est simple, des tornades peuvent se développer à tout moment dans les régions qu’il énumère. Ces répétitions au ton emphatique dramatique et solennel créent un climat tel que les angoissés doivent avoir beaucoup de difficulté à garder leur calme.
Ce manège apocalyptique se continue pendant 90 minutes. La tension monte et chaque rafale de vent semble plus menaçante que la précédente. À sa dernière apparition, tel un sauveur, le météorologue annonce que le risque de tornade est maintenant passé et que la pluie et le vent vont diminuer d’intensité dans les prochaines heures. Enfin, la programmation habituelle de la télé peut reprendre son cours normal.
Le lendemain matin, vendredi, il me tarde d’inventer une course à l’épicerie pour aller voir comment s’est comporté le paysage. Des flaques d’eau un peu partout, quelques chemins balisés par des tréteaux avec des clignotants rouges prévenant les conducteurs automobiles qu’il y a de l’eau sur la route, le déluge semble déjà chose du passé.
Dans la ville de Phoenix, les canaux collecteurs de pluie ressemblent enfin à des rivières. Toute l’eau tombée sur le sol durci, principalement en montagne, coule dans la vallée. Dans les heures qui suivent, de la machinerie lourde vient déblayer certaines parties de rues et chemins du sable et des cailloux entraînés par la pluie. Deux jours plus tard, le soleil a retrouvé son emprise sur le désert et seules quelques flaques d’eau dans certains creux nous rappellent que, finalement, il a plu, beaucoup plu.
Maintenant que le spectacle est terminé, il est temps de lever l’ancre (au sens figuré, bien sûr) et de mettre le cap sur Yuma, qui se veut la ville la plus ensoleillée des États-Unis.
C\’est pas pour rien que Elvis Gratton nous l\’a dit les amaricains Think Big est… Tout est toujours plus gros, plus important et plus fort.
Bonne route
Me rappelle bien des souvenirs. Faut vraiment s’habituer à leurs alertes meteo et les interpréter. Me rappelle l’ouragan Flyod: j’étais à Cape Cod et on nous a même dit de partir… au nord ouest, de State park en state park, j’ai failli me rendre chez nous. Le lendemain après de la pluie et du vent (mais pas en même temps) retour à Cape Cod. Les media cherchaient ce qu’ils pouvaient bien trouver sur la catastrophe, ils ont finalement trouvé de l’eau dans… un tunnel! Ils doivent avertir oui, mais pas crier au loup quand c’est un petit chat qui se pointe. On ne les croit plus et ce n’est guère mieux.