Le bouton à quatre trous
Il y a une dizaine de jours, je recevais un communiqué de presse émis par le géant Thor. À peine quelques jours plus tard, un lecteur ayant entendu la nouvelle, me demandait si je pouvais lui en apprendre plus, mais surtout de commenter ce qu’il concevait comme une excellente nouvelle. Ce qualificatif traduisait bien sa hâte de voir apparaître des véhicules de conception européenne sur notre continent.
Le ton emphatique du communiqué de Thor Industries avait en effet de quoi semer un germe d’optimisme sur l’avenir des VR en Amérique. En gros, l’entreprise américaine y annonçait son intention de construire des véhicules récréatifs de design et de méthodologie européenne dans une nouvelle usine située à Bristol, IN et qui relèverait d’une toute nouvelle entité légale, appelée Hymer USA, s’ajoutant au catalogue déjà épais de Thor.
Pour mieux comprendre de quoi il en retourne, il faut se remémorer qu’en septembre 2018, Thor s’était porté acquéreur de l’entreprise allemande Erwin Hymer Group, géant européen du véhicule récréatif. L’affaire avait d’ailleurs fait grand bruit dans la presse lorsque des vérifications comptables avaient révélé des malversations de près d’une centaine de millions faites par des gestionnaires en place au Canada. Thor avait alors exclus la filiale nord-américaine de Hymer et celle-ci, dans sa faillite, avait entrainée RoadTrek dans sa chute, causant ainsi la perte de 1 200 emplois en Ontario.
Voilà donc que, pour la deuxième fois, une industrie nord-américaine constate et admet que les véhicules européens sont de meilleure qualité et surtout mieux fabriqués que ceux d’Amérique en général. Les lecteurs dotés d’une grande mémoire se souviendront d’un lien vers une capsule vidéo où Jim Hammill, directeur général de RoadTrek et de EHGNA se pétait les bretelles en affirmant haut et fort son intention de réinventer la roue grâce aux caravanes européennes Eriba conçues par Hymer. J’avais d’ailleurs rapporté sur ce blogue les propos explosifs de Hammill. Ceux qui ont oublié peuvent toujours remonter le temps jusqu’au 19 mars 2017 en déroulant le menu « archives » de la colonne de gauche.
Aujourd’hui, l’histoire se répète. L’Amérique redécouvre les boutons à quatre trous et annonce que tout va changer. Pourtant, cette même histoire nous impose de faire preuve d’une grande prudence. Chaque fois que l’industrie américaine a tenté de s’approprier la sagesse et le savoir-faire de l’Europe, le pain n’a pas levé. Rappelons-nous 1995, lorsque Winnebago avait conclu une entente exclusive avec Volkswagen pour couper l’herbe sous le pied de Westfalia. Immédiatement, la qualité des aménagements intérieurs et la finition avaient diminué. Quelques années plus tard, c’en était fini du mythique camping-car.
La même chose s’est une fois de plus répétée avec l’Eriba de Hymer. Pour la rendre séduisante et l’adapter aux caprices des campeurs étatsuniens, on l’avait modifié sous tous ses angles. En moins de deux, la petite caravane, icône européenne depuis cinquante ans, avait été dénaturée avant d’être emportée dans la débâcle de EHGNA.
Il m’apparaît légitime de se demander si une des causes majeures ayant menées à ces échecs, ne vient pas du mercantiliste à outrance de l’industrie américaine qui n’a de respect que pour le rendement sur l’investissement ?
Si vous en doutez encore, je vous invite à lire attentivement l’entrevue que m’a accordé Nicolas Rousseau, dont l’entreprise française, Groupe Rapido, vient de se porter acquéreur de cendres de Roadtrek. Cette entrevue, vous pourrez la lire dans la prochaine édition de Camping Caravaning en ligne dans les prochains jours sur le site du même nom.
Vous y découvrirez une approche, des valeurs et une philosophie qui, sans renier la recherche de la rentabilité, mettent l’accent sur la qualité, le travail bien fait, le respect des employés et celui de la clientèle. Deux continents, deux mondes différents.
Soit dit en passant, ne vous gênez pas pour réagir à la nouvelle mouture du magazine. Même si nous espérons de très nombreux commentaires fleuris nous sommes également ouverts à recevoir des pots, pourvu qu’ils soient justifiés et… fait de matières recyclables.
« Le mercantiliste à outrance de l’industrie américaine ». Nous n’avons qu’a penser aux trois grands de l’industrie américaine de l’automobile des années 70-90 avec leurs muscles cars qui ne regardaient que l’apparence et le chrome pour se faire dépasser par la suite par les Japonais et maintenant par les Coréens.
Admettons que ce sujet a mordu la poussière, rien de plus; j’ai hâte à celui de dimanche prochain.