L’Alberta francophone – Legal : L’histoire en images
En entrant dans la municipalité de Legal, je m’arrête au seul restaurant de la place, le New Diamond. Je m’assois dans le coin. Je commande une spécialité chinoise de l’endroit. J’écoute… Il n’aura fallu que quelques minutes pour que quelqu’un hausse la voix à l’entrée d’une connaissance. « Salut toi ! Ça fait ben longtemps qu’on t’a vu ! »
Le français demeure toujours d’actualité au nord d’Edmonton, la capitale de l’Alberta. La route # 2, qui s’oriente franc nord, devient Le corridor francophone en traversant plusieurs villages où le français se pratique et s’exprime. Ils s’appellent Saint-Albert, Morinville et Légal ainsi que Bon-Accord, Rivière-qui-Barre, Villeneuve, Pickarville, Vimy ou Val Quentin. Les francophones y ont déjà été majoritaires, mais cette époque est révolue. Toutefois, ils ont réussi, après de chaudes et longues luttes, à mettre sur pied des institutions culturelles et scolaires puis, dans un deuxième temps, à les gérer. C’est ainsi que Legal a acquis son école française et son centre communautaire. D’autres institutions économiques qui ont pignon sur rue affirment la spécificité des gens d’ici. C’est le cas de la Caisse populaire Desjardins et du magasin COOP que les francophones ont amené avec eux du Québec.
Village d’accueil
Établie en 1899 par Mgr Émile Légal et constituée officiellement en 1914, Legal a vécu de l’agriculture et des mines de charbon. Aujourd’hui, l’agriculture y prospère toujours, mais, en se regroupant avec ses voisins Morinville et Saint-Albert, Legal a mis sur pied un corridor touristique francophone nommé Centralta. Ce faisant, le tourisme contribue à renforcer la culture et la fierté francophone dans cette région.
En 1996, Légal accueille 36 touristes français de la région d’Anjou. Tout le monde met la main à la pâte pour accueillir et héberger ces visiteurs dans les foyers. Une expérience inoubliable tant d’un côté que de l’autre. Il n’en fallait pas plus pour que naisse en 1998 l’idée d’un village d’accueil qui puisse fournir l’hébergement en famille à plus de 70 personnes et réunir des dizaines de résidents autour d’un projet commun. Depuis ce moment, Legal reçoit régulièrement des autocars de visiteurs et leur fait la fête à sa façon.
Les murales
Les murs extérieurs des maisons et des édifices commerciaux de Légal sont couverts de murales. Une trentaine de grands tableaux en tout. Des œuvres peintes avec infiniment de talent et de justesse. J’ai été très agréablement surpris en faisant le tour de cette grande galerie extérieure d’admirer des réalisations de styles et d’approches différentes, mais toutes d’une qualité remarquable, exécutées en grande partie par de jeunes artistes amateurs locaux. Certaines de ces murales sont carrément impressionnantes alors que d’autres, plus impressionnistes, démontrent énormément de sensibilité. Quelques tableaux naïfs sont également très touchants. Même Nancy Bergeron, une artiste du Saguenay, a contribué par une murale mettant en vedette ses talents de peintre animalier.
En faisant le tour des murales, on s’offre un tour d’horizon de l’histoire de l’Alberta francophone. Chaque tableau présente une famille de pionniers, leurs métiers, leurs travaux et leurs talents. On y retrouve aussi les pages les plus significatives de l’histoire de ces Québécois et d’autres francophones accomplissant les ambitions de colonisation catholique et française des pères Oblats qui les ont embarqués dans leur galère. La première murale, dans la cour de l’école Citadelle, rend hommage aux Sœurs Grises, éducatrices et dispensatrices des soins de santé. Aux abords de la rue principale, un très beau tableau célèbre les deux premiers pionniers. Théodore Gelot et Eugène Ménard venaient tous deux de France et s’étaient rencontrés à Sacramento, aux É.-U.. Ils ont été recrutés à l’aide d’un simple dépliant qui vantait les mérites de la colonisation au nord d’Edmonton. Puis ils sont venus en train. Se sont installés tous les deux en octobre 1894 dans un caveau divisé par la ligne frontalière de leurs terres. Sur l’image, on les voit avec d’autres arrivants savourer l’eau fraîche de leur puits creusé à la pelle, là où l’eau potable est une denrée tellement rare que, encore aujourd’hui, Legal est alimenté en eau par la ville d’Edmonton située à 80 km de là.

La murale Bugnet nous fait connaître Georges Bugnet, un autre Français, journaliste et horticulteur qui créa plusieurs espèces de roses dont la Thérèse-Bugnet particulièrement adaptée aux rigueurs du climat du Nord.
La murale Chauvet, installée sur le mur du bureau de poste, est l’une des plus révélatrices en plus de l’une des plus spectaculaires. La famille Chauvet, installée en 1901, tenait tant à l’éducation de ses enfants que l’aîné, Jean-Marie, étudiait assis sur la charrue, tout en faisant les labours, comme le montre la scène de la fresque.
Une autre murale présentée comme un montage de coupures de presse illustre la célèbre cause Lavoie, menée au début des années 1940 par Alexandre Lavoie de Morinville et l’avocat Lionel Tellier. L’enjeu étant la possibilité pour les francophones d’obtenir des services en français du Gouvernement fédéral, la cause a suscité énormément d’intérêt au Québec où on a même recueilli des fonds pour supporter la cause. Les journaux d’ici, dont Le Devoir, en ont suivi tous les rebondissements jusqu’à la victoire en appel.

Il en va ainsi de mur en mur, alors que chaque épisode de l’histoire défile.
Centralta
Et ce n’est pas tout ce qu’on peut voir dans le Centralta. Dans la plus ancienne colonie agricole de l’Alberta, Saint-Albert, on trouve encore plusieurs trésors historiques avec la Chapelle du Père Lacombe (1861) qui présente la vie des défricheurs métis et francophones en plus d’offrir un point de vue imprenable sur la plaine agricole et la vallée de la rivière Sturgeon. Le Musée Héritage réunit aussi une importante collection d’objets anciens ayant fait partie de la vie des Autochtones, des Métis et des pionniers.
À Morinville, le cycle mémorial est complété par la visite du Parc historique ainsi que de la superbe église Saint-Jean-Baptiste construite en 1907 et dotée d’un orgue Casavant ainsi que de grandes fresques.
Quant à Legal, on peut y voir au Centre communautaire une remarquable exposition de toiles représentant les personnages qui ont marqué le destin de l’Ouest francophone. On a également ouvert « Le petit Musée de Legal » qui réunit de nombreux objets de la vie quotidienne d’autrefois. Il est situé tout à côté du kiosque d’information touristique municipal et du four à pain où, durant tout l’été, on prépare quotidiennement de délicieuses miches chaudes vendues pour une bouchée de pain. On peut finalement visiter l’usine Mountain Meadows Food qui produit un beurre de pois proposé comme substitut du beurre d’arachide, le Golden Peabutter.

On trouve un parc VR à Légal et un très beau camping à Morinville.
Guides de voyage
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Fabuleux Ouest canadien, Ulysse, 29,95 $ un ouvrage très illustré.
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