Labrador et Côte atlantique
Nous voilà enfin sur cette côte plus qu’austère que Jacques Cartier qualifia de «Terre de Caïn» tant elle lui semblait inhospitalière.
En effet, il faut un courage hors du commun pour vivre ici, sur un territoire dénudé sur lequel poussent des roches et qui paraît avoir si peu à offrir, avec ses saisons toujours rudes et aux abords d’une mer éternellement colérique. Les Bancs de Terre-Neuve ont nourri l’Europe durant quatre siècles et la pêche à la morue y était fructueuse. La chasse à la baleine a aussi attiré des marins d’un peu partout. Même les Vikings, dont le terrible Leif Eriikson, y seraient débarqués il y a un millénaire et auraient nommé le pays « Vinland » alors que le climat devait y être plus doux qu’aujourd’hui. Mais ces époques sont bien révolues et, de nos jours, quelques grappes d’Inuits, d’Amérindiens, de Métis et de Terre-Neuviens s’accrochent à ce rivage, épris de liberté, fuyant la folie de notre monde. C’est ce qui les rend si fascinants…
Mary’s Harbour
Dans le village carte postale de Mary’s Harbour, dissimulé au fond d’une baie protégée à 60 km au sud de St Lewis, nous embarquons pour une première excursion en bateau du voyage avec l’entreprise Cloud 9 Boattours. La sortie nous amène vers le village historique de Battle Harbour, mais, dès l’entrée du port, les icebergs pointent partout à l’horizon.

Il ne faut environ qu’une demi-heure de navigation pour atteindre la petite île de Battle Harbour qui, de prime abord, nous fait découvrir la longue tradition de transhumance qui a rythmé la vie des populations de la Basse-Côte-Nord et du Labrador durant quelques siècles. Cette coutume consistait à se replier au fond des baies pour passer l’hiver à l’abri du climat maritime. Puis, le printemps venu, les pêcheurs et leurs familles déménageaient sur les îles au large afin de se rapprocher de leurs sites de pêche. Certaines familles habitaient leur propre île, mais la plupart reformaient des villages avec leur église, le magasin et les trottoirs de bois. D’immenses terrains étaient réservés au séchage de la morue, sur des pierres ou des vigneaux. Les femmes y retournaient le poisson quotidiennement alors que les hommes « jiggaient » en mer dans leurs grandes barques. Cet endroit, magnifiquement bien conservé, est une pure merveille par son ambiance magique qui nous fait plonger dans le temps. De plus, au printemps, de gigantesques icebergs viennent s’échouer sur le pourtour de l’île et baignent dans un brouillard quasi mystique.
Avant d’atteindre Battle Harbour et au retour, nous nous sommes approchés d’un grand nombre d’icebergs spectaculaires, éblouissants par leurs couleurs et hallucinants par l’incroyable diversité de leurs formes. Un brouillard dense s’était levé en après-midi, mais nous voulions absolument trouver le morceau de glace titanesque que nous avions vu la veille à partir de St Lewis. Après un bloc géant, puis un autre, le voilà qui se dresse dans l’opacité de la brume. J’en ai eu la chair de poule. Un monstre ! En faisant le tour, notre capitaine, Randy, a calculé au GPS 1,6 km de longueur. Un des plus imposants observés dans le secteur depuis très longtemps…
Quant à Battle Harbour, on en a fait un extraordinaire site vacances de grande qualité en aménageant des chambres spacieuses et des maisons confortables, au milieu de bâtiments historiques dont on a préservé toute l’authenticité. On peut apercevoir les icebergs des chambres. Un must à visiter !

Mary’s Harbour vit toujours de la pêche avec une importante usine de transformation où acheter du crabe fraîchement sorti de l’Atlantique. Ce dont nous ne nous sommes pas privés, là et ailleurs. Les prix sont imbattables !
Red Bay et les Basques
Plus on avance sur la route du Labrador (510) et plus le panorama devient grandiose. La proximité de la mer bouleverse l’environnement et nous plonge en pleine nature arctique dépourvue d’arbres. La montagne qui s’élève. Un sol spongieux, mais couvert d’une végétation naine luxuriante et de petites baies.

La route de gravier se poursuit jusqu’à Red Bay où la vue s’élargit sur la mer. Red Bay est un incontournable, patrimoine mondial de l’UNESCO à cause de l’importance de la chasse aux baleines menée ici par les Basques à partir du 16e siècle.

La visite du centre d’interprétation du parc National de Red Bay s’avère très intéressante. Je me souviendrai toujours de la réaction de la serveuse du restaurant Whaler’s Station, à qui je demandais où il y avait un camping. Le visage déconfit, elle me répond : « Quoi ? Un camping ? Pourquoi ça ? Ici, vous pouvez camper n’importe-où et personne ne s’en offusquera. » Et c’est vrai. Pourvu qu’on se serve de sa tête en respectant la propriété privée, en ne gênant pas la circulation ni la vue des résidents, on peut squatter à peu près n’importe où sans problème.

Nous faisons quand même escale sur un camping de 4 places au bord de la route, voisin du dépanneur. La douche coûte 5 $, mais elle les vaut ! Super randonnée jusqu’au sommet de Tracey Hill, sur l’autre versant de la baie. Le décor reste ahurissant tout au long de cette longue promenade de bois et de ses 600 marches.

La route côtière
Entre deux nids de poule, on peut prendre le temps d’admirer un milieu naturel toujours plus sauvage et dur passé Red Bay. Malheureusement, le mauvais temps se met de la partie, ce qui précipite quelque peu les visites, mais ne nous empêche pas d’admirer les charmes des communautés côtières, dont Pinware, où on trouve un parc provincial et un camping. Un bel iceberg s’est échoué dans la baie, près du quai. Il a vêlé des blocs de glace qu’on cueille sur la plage pour rafraîchir un excellent whiskey irlandais. La glace la plus pure du monde, vieille de plusieurs dizaines de milliers d’années et pleine de micro bulles d’air pétillantes.
Avec L’Anse-au-Loup et L’Anse-au-Clair, on arrive en ville avec, enfin, une vraie épicerie. On découvre la plage extraordinaire de l’Anse-Amour et son phare qui défie la mer depuis 1850. Des campings sont proposés à L’Anse-au-Clair et West St Modeste.
Prochain rendez-vous : Blanc-Sablon et la Basse-Côte-Nord.
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