LA TOURNÉE ATLANTIQUE : Sur la route du Nouveau-Brunswick (3)
DE LA MONOTONIE À L’ÉMERVEILLEMENT
À quelques minutes de Miguasha, nous sautons sur un petit traversier qui nous mène en quinze minutes au Nouveau-Brunswick, à Dalhousie. De là, nous commettons la grande erreur du voyage, celle de traverser la province par le centre pour nous diriger le plus rapidement possible vers l’extrême sud avec comme objectif: l’île de Grand Manan. Sur cette très très longue route qui nous fait passer par Chatam et Fredericton, les services sont rares à moins qu’on ne soit dévot à l’extrême. Restaurants, stations-service et dépanneurs sont au moins vingt fois moins nombreux que les églises. La route semble si longue et monotone qu’on en vient à se demander si les distances ne sont pas indiquées en milles plutôt qu’en kilomètres. En contrepartie, les campings sont tous impeccables, peu chers, localisés dans des boisés tranquilles et bien aménagés. L’accueil est toujours empressé et empreint de curiosité, surtout avec les deux grands kayaks de mer que nous transportons sur le toit et qui ne laissent personne indifférent. La vallée de la rivière Miramichi fait oublier certaines longueurs du paysage forestier. Il s’agit véritablement d’une région de prédilection pour les amateurs de pêche au saumon. Fredericton, capitale plutôt coquette, s’avère être une petite ville superbe, fort agréable et détendue. Ses vieilles maisons victoriennes lui donnent un cachet bien « British » alors que ses nombreuses boutiques, ses bons restaurants et son parc linéaire longeant l’extraordinaire fleuve Saint-Jean traduisent une qualité de vie certaine. Plus loin, nous campons au parc Woolastook, près de l’impressionnant fleuve Saint-Jean qui éblouit Samuel de Champlain en 1604 lorsqu’il arriva: « À l’embouchure d’une rivière des plus grandes et profondes qu’eussions encore vues, que nommâmes la rivière Saint-Jean, pour que ce fût ce jour-là que nous y arrivâmes ».


La baie de Fundy
Le troisième jour de notre intrusion au Nouveau-Brunswick, nous rejoignons enfin la partie la plus septentrionale de la province, sur la baie de Fundy. Le village de St-Stephen, à la frontière du Maine, nous attire, mais nous déçoit. Outre la chocolaterie Ganong, où l’on inventa la tablette de chocolat, cette municipalité frontalière désolée n’a rien d’intéressant. À une heure de route de là, nous tombons heureusement sur la révélation du voyage: St-Andrews-by-the-Sea. Ce village historique me fait un peu penser à Tadoussac avec son grand hôtel vieillot, ses vestiges, ses boutiques, ses terrasses, son ambiance et le contact omniprésent de la mer. Juste avant d’arriver à St-Stephen, on peut apercevoir un des hauts-lieux de l’histoire de l’Amérique du Nord. L’île Sainte-Croix, sur la rivière du même nom, est le tout premier site d’hivernement de Champlain en 1604 et le premier établissement européen sur le continent. Des dizaines d’hommes y périrent du scorbut et y passèrent un hiver misérable. Aujourd’hui St-Andrews est un vrai paradis pour la famille. L’Algonquin Resort offre l’hébergement luxueux et le golf au bord de mer. Au coeur du village, le Shiretown Inn et plusieurs gîtes (plus de 250 édifices sur 550 au total) sont plus que centenaires. Du camping de la baie de Passaquoddy, on explore St-Andrews à pied ou en vélo, on fait une excursion en kayak à partir du quai, on va à la pêche ou on se tient penaud sur la terrasse d’un café. St-Andrews, qui accueille les villégiateurs depuis plus de 200 ans, a du caractère, du charme et de l’atmosphère. Il nous a retenus plus longtemps que prévu et s’est inscrit sur notre liste de projets futurs.

Aventure dans les îles
La baie de Fundy, caractérisée par les plus hautes marées au monde, compte de nombreuses îles, grandes et petites, dans l’estuaire de la rivière Saint-Louis. Sur un coup de tête heureux, nous nous dirigeons vers L’Etete pour l’embarquement sur un traversier rouillé conduit par un cowboy qui fonce dans les quais. Destination: Deer Island, une découverte emballante. Une île infiniment pittoresque avec du vrai monde et peu de touristes. Chaque baie compte quelques maisons modestes et un quai vétuste. Les gens, d’abord distants et timides, viennent quand même nous parler quand nous mettons nos kayaks à l’eau à marée haute puisque les baies se vident au baissant. La marée fluctue ici a un rythme effarant. On la voit véritablement s’avancer, emportant les espadrilles laissées par les marcheurs ou encerclant les enfants qui jouent sur les pierres. En arrivant au camping du bout de l’île, on découvre l’attrait majeur de Deer Island: Old Sow. Il s’agit du plus grand remous au monde. Il tournoie pendant quatre heures entre les marées, à la rencontre des grands courants de la baie de Fundy et de la rivière Sainte-Croix. Des milliers d’oiseaux marins s’y retrouvent pour profiter du marnage. Sur cette île de pêcheurs de homard, impossible d’en trouver du frais en août puisque la saison de pêche se déroule tout au début de l’été. Les restaurants locaux servent en consolation le traditionnel « lobster roll », la poutine des Maritimes, composé de chaire de homard et d’une mayonnaise servie dans un pain avec des frites. Ma foi… ce n’est pas si mauvais! À côté du camping accoste un minuscule traversier: un bateau de pêche modifié qui pousse une dizaine de voitures sur une barge, au-delà des forts courants, jusqu’à l’île voisine: Campobello. Bien que reliée au Maine par un pont, près de Lubec, cette île magnifique est canadienne mais, du Canada, on y accède uniquement de Deer Island par ce bateau-passeur qui grimpe sur la plage comme les barges militaires lors des débarquements. Campobello doit sa réputation à la famille de l’ex-président américain Franklin D. Roosevelt qui y avait sa maison de campagne. On peut d’ailleurs visiter cette résidence de rêve encore pleine de souvenirs, entourée de quelques autres riches chalets d’été dont l’éblouissante maison Hubbard datant de 1890. Le tout fait partie du Parc international Roosevelt qui occupe tout le sud de l’île. C’est l’armée américaine qui y a aménagé des dizaines de kilomètres de sentiers agréables et faciles, praticables à pied, en vélo et en auto.



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