Île-du-Prince-Édouard
Victoria-by-the-Sea, que plaisirs et que charmes…

À mon point de vue, Victoria-by-the-Sea n’a rien de comparable avec aucun autre endroit sur l’Île-du-Prince-Édouard. Ce village s’avère singulier de nature. La première fois que j’y suis passé, le coup de foudre a été instantané. J’y ai vu une sorte de mini Tadoussac en infiniment plus intime. Dix ans plus tard, j’y retourne pour séjourner et m’en imprégner vraiment. Je redécouvre un village en fleurs et ces maisons victoriennes aux couleurs vives qui se dissimulent dans la végétation. Sur le rivage, une femme, ses deux enfants et son gros chien Terre-Neuve pataugent. Deux kayakistes prennent le large. Leurs embarcations, passée la rade, se découpent sur les falaises lointaines. On trouve ici un locateur de kayaks et de vélos qui profite d’un cadre exceptionnel pour ces deux activités. Sur les eaux calmes de la baie, un homme cueille des moules dans sa barque en se servant de deux longs bâtons terminés par des paniers qui raclent le fond. Sur le quai, quelques voyageurs à moto se sont arrêtés et racontent déjà leur vie à deux vieux pêcheurs désœuvrés. Deux bateaux de homardiers sont au quai après avoir laissé leur récolte quotidienne à la poissonnerie locale, Ocean Choice, qui vend des homards fraîchement rougis pour le pique nique. L’Île-du-Prince-Édouard compte deux saisons de pêche au homard : printemps et automne. Les anciens hangars du havre sont maintenant occupés par le Pub 40 Knots, l’endroit parfait pour aller s’envoyer une Clancy’s ambrée derrière la cravate et regarder les locaux jouer aux cartes. À l’ouest du quai, une petite plage s’étire jusqu’à la pointe Birch d’où l’on aperçoit l’avancée de Tryon Head et le phare qui domine son cap. Dans le village, tout le monde se salue lorsque le calme est revenu. À pied, on fait lentement le tour des maisons en s’arrêtant à la chocolaterie artisanale, à la verrerie, chez le glacier, chez l’antiquaire, à la boutique de porcelaine de l’Orient, dans les quelques galeries d’art où chez la libraire, chez Smith & Crane qui vend des kilts dessinés et faits main sur place. Les comptoirs de livres neufs et usagés se révèlent particulièrement important puisque la lecture demeure l’une des plus agréables activités à pratiquer à Victoria. En marchant un peu plus loin, à l’extérieur du carré, on se retrouve devant l’église blanche de la communauté qui ressemble à bien d’autres lieux de culte sur l’île mais qui se trouve à côté de la maison la plus remarquable du village. Un édifice très classique bien que recouvert de motifs élaborés, de tradition victorienne mais surtout entièrement de couleur ocre. Et pour qu’on ne croît pas qu’il s’agisse d’un hasard, elle est entourée d’un muret de pierre locale qui sont de couleur identique.


D’autres couleurs s’imposent aussi, dont celle des lupins qui envahissent les fossés partout sur l’île. Les fleurs de cette légumineuse (comme le pois) vont du bleu moyen au mauve clair et sont portées sur un long épi. La floraison s’effectue de bas en haut sur l’épi. Cette fleur, qui nous vient d’Europe, a été implantée accidentellement sur l’île et elle en a colonisé systématiquement les abords des routes. En plus d’embellir le décor est devenue presqu’un symbole dont les formes et les couleurs se sont intégrés à l’artisanat et aux arts visuels.
Chez les Sauvé
Le souper chez les Sauvé, au Landmark Café, constitue l’un des moments les plus précieux qui se puisse passer à Victoria. Ce grand gaillard a bourlingué un peu partout au Québec, au Canada et dans le monde avant de s’établir sur l’Île-du-Prince-Édouard et d’y tenir ce petit café hyper sympathique depuis 1989. Né d’un père québécois et d’une mère néo-écossaise, Eugène Sauvé a été trimbalé de ville en ville toute son enfance. Il continue d’ailleurs de voyager en ne cachant pas une nette préférence pour Cuba. Un penchant qu’il avoue en montrant son étalage de cigares placardé de photos du Che et de Fidel. Il y fait décanter deux boîtes des meilleurs Havanes qui soient : Montecristo et Cohiba (la marque créé par Che Guevara). Eugène forme une magnifique équipe avec sa fille, Rachel, et son garçon, Oliver, qui s’activent aux tables et en cuisine. Les deux jeunes démontrent beaucoup d’entregents et s’expriment très bien en français. Le Café annonce d’ailleurs clairement ses couleurs linguistiques en vitrine avec une affiche qui dit que l’on peut être servi en français dans l’établissement. Les Québécois et les Français, les Acadiens et les francophiles sont officiellement les bienvenus et forment une part de la clientèle. Au-dessus du muret qui sépare la salle à manger de la cuisine, on remarque même un petit drapeau québécois à côté d’une tête d’Anne-aux-Pignons-Verts portant un masque à gaz. Les objets hétéroclites ne manquent pas dans l’ornementation des lieux. Les étagères qui couvrent les murs en contiennent des centaines, toutes aussi bizarres qu’inutiles. La plus drôle étant une photo de presse qu’Eugène a fait agrandir et qui représente Jean Chrétien et Lucien Bouchard assis côte à côte mais tentant de se tourner le dos lors d’une cérémonie officielle. On voit parfaitement dans leur visage que ce rapprochement forcé a sans doute été le plus long moment de leur vie. L’image des « deux solitudes » est tordante, surtout à Victoria.

Le Landmark Café est également une excellente table. On n’y donne pas dans la gastronomie mais le Café sort quand même grandement du menu habituel du casse-croûte. Surtout du casse-croûte des Maritimes plutôt porté sur la friture. Le menu simple et abordable en termes de prix, propose des saveurs exotiques originales, des spécialités végétariennes, des fruits de mer et des sandwichs.
Lors de mon passage, j’ai eu le bonheur d’y rencontrer l’une des plus grandes artistes de l’île, la peintre Hilda Woolnough, venue festoyer avec son fils et des amis du Brésil, de Suisse et d’Angleterre. Cette dame exceptionnelle, qui nage chaque jour dans les eaux froides de la baie, est venue discuter à ma table sans aucune formalité et m’a invité à me joindre à ses amis pour découvrir une définition nouvelle de l’hospitalité et du sens de la fête qui, chez certains insulaires, rivalise avec les meilleurs «foireux» du Saguenay.
Pour s’informer…
Tourisme Île-du-Prince-Édouard: 1 800 887-L’ÎLE ou ipevacances.com. Demandez le Guide et la carte de l’île (en français)
Victoria-by-the-Sea : victoriabythesea.ca