Plusieurs voyageurs connaissent la route 389 parce qu’elle conduit au légendaire barrage Manic-5, aux confins du territoire de la Côte-Nord. Cependant, tout au bout de cette route, à la frontière du Labrador, se trouve aussi Fermont, une municipalité unique au Québec.
« Nature et démesure », voilà le slogan de cette région. Fermont y figure en tant que ville minière où environ 2 500 personnes s’accrochent à une vie d’isolement, de travail et de solidarité. Il faut aimer la pêche, la chasse, la grande nature, le quad et la motoneige à coup sûr. Mais on s’y attache. Une première génération de travailleurs rendus à l’âge de la retraite a souhaité y finir ses jours, donnant à la ville un caractère de permanence imprévu. En effet, 95 % des résidents vivent dans des habitations appartenant à la minière qui les emploie. Conséquemment, lorsqu’ils ont terminé leur engagement, ils doivent normalement s’en retourner au Sud. Mais plusieurs en apprécient la qualité de vie unique. Une forme de liberté difficile à trouver ailleurs. De fortes attaches familiales et amicales en plus de bons services communautaires et commerciaux. C’est à la rencontre de ce type d’hommes et de femmes que l’on va en se rendant à Fermont.
Sur la route
Avant d’aboutir à Fermont, la 389 traverse le territoire des monts Groulx, une destination de rêve pour les mordus de trekking qui y trouvent des sentiers s’élevant jusqu’à un environnement subarctique et des points de vue spectaculaires sur le réservoir Manicouagan. Les monts Groulx offrent 30 sommets de plus de 1 000 mètres d’altitude. Si l’on souhaite prendre son temps et profiter pleinement de l’aventure, on s’installe en camping sans service au bord du réservoir, à la station Uapiska, puis on profite d’un bon souper à l’auberge avec les visiteurs avant d’admirer le coucher de soleil et, pendant la nuit, les aurores boréales.
Naturellement, il ne faut pas oublier de faire le plein au Relais Gabriel, au km 316, à 101 kilomètres de Manic-5, même si l’on est assez certain de pouvoir se rendre à destination avec ce qui reste d’essence dans le réservoir.
On franchit ce qui reste de la localité fantôme de Gagnon au km 390. Créée en 1960 aux abords du lac Barbel, l’ancienne ville minière a compté jusqu’à 4 000 habitants, tous associés aux activités de la compagnie Québec Cartier qui y a exploité le minerai de fer de Fire Lake jusqu’en juin 1985. La ville, qui avait brisé un plafond de verre en élisant le premier maire noir du Québec, René Coicou, de 1973 à 1985, est dissoute un mois plus tard. En 1987, on rase carrément toutes les installations. Aujourd’hui, il ne faut pas cligner des yeux en passant sur ce que fut la rue No 1 de la ville, un boulevard avec un terreplein où subsistent quelques squelettes de lampadaires et des bouts de trottoirs. Quelques campeurs viennent s’installer au bord du lac, au pied d’un large terrain sablonneux.
Le Mur
La première chose qui saute aux yeux en quittant la 389 pour la route d’accès à Fermont, c’est un impressionnant monument architectural tout à fait unique chez nous. Le Mur ! Le fameux mur-écran de Fermont ! Son nom officiel est place Daviault, puisque ce complexe long de 1,3 km et haut de 25 mètres regroupe tous les principaux commerces et services de la localité, en plus de 244 logements. On y trouve même un hôtel et des équipements de loisir comme un aréna, une piscine, un gymnase et une salle de quilles. La radio communautaire y a ses locaux, ainsi que la pharmacie, la quincaillerie, le comptoir bancaire, la SAQ, le bar et, ce qui intéresse tous les campeurs de passage, l’épicerie Métro Coop où l’on trouve de tout, la plupart du temps aux prix du Sud.
Je me suis déjà amusé à arpenter tout le mur d’un bout à l’autre, en entrant par la porte à un bout pour ressortir par la porte de l’autre bout. Je ne dis pas que ce soit la chose à faire, car je m’y suis senti très voyeur. Comme si je m’ingérais dans la vie intime des résidents. Toutefois, des visites guidées y sont offertes qui s’avèrent beaucoup plus instructives, moins intrusives.
Mais pourquoi ce mur ? Pour faire écran aux vents dominants. La structure protège effectivement toutes les maisons qui sont construites à l’abri, derrière l’écran. Ce concept développé en Scandinavie s’adapte parfaitement à l’environnement nordique de Fermont.
La mine
Fermont, de même que ses voisines Wabush et Labrador City, se trouve dans une vaste zone géologique appelée fosse du Labrador, où l’on puise des minerais de fer depuis les années 1970. La ville de Fermont, quant à elle, a été fondée en 1974, avec le début des opérations d’exploitation de la mine du Mont-Wright, à 17 kilomètres à l’ouest de la municipalité. L’entreprise canadienne ArcelorMittal y règne depuis 2008, après avoir acquis la Québec Cartier en 2006.
Le mont Wright, du nom d’un pilote de brousse qui s’est écrasé dans la région en 1952, a été complètement rasé et est devenu une mine à ciel ouvert de 24 km². La route 389 passait d’ailleurs tout près, offrant à voir un paysage qui ressemble plus à l’idée que l’on se fait de la planète Mars que d’une zone de la Boréalie. La déviation de cette portion de la route et l’amélioration du reste était à l’agenda du ministère des Transports ces dernières années.
Du camping et plein de plein air
La dernière fois que je suis passé à Fermont, l’Association Loisir Plein Air de Fermont (ALPAF) inaugurait le nouveau camping sur les berges du lac Daviault. Sur un terrain plat et dégagé, on a aménagé 111 emplacements avec services. Comme tout le monde ici est amateur de pêche ou de loisir nautique, le camping possède aussi une rampe de mise à l’eau.
L’immense lac Daviault constitue un attrait naturel de taille en pleine ville. On trouve une plage publique où se louent diverses embarcations de loisir.
De plus, les monts Severson proposent 40 kilomètres de sentiers pédestres là où se mélangent la taïga et la toundra. Près de la ville, le mont Daviault est sillonné de quelques pistes de courte randonnée couronnées de belvédères sur la ville.
Alors, pourquoi ne pas pousser la curiosité jusqu’à Fermont ?
Par Yves Ouellet
Magazine Camping Caravaning, vol. 27 no 3, juin 2021
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