Encore une fois, mettons les pendules à l’heure
Ne voyez dans le titre de ce billet aucune allusion au passage de l’heure avancée à l’heure normale qui sera en vigueur lors de la publication du prochain. Mon texte d’aujourd’hui fait simplement référence à plusieurs pourriels circulant actuellement sur les réseaux sociaux. La rapidité de leur contagion est encore plus rapide que celle du coronavirus.
Ces messages, des canulars pour la plupart, profitent souvent du fait qu’un grand nombre de groupes Facebook n’ont aucun modérateur digne de ce nom. Les conséquences de ce laxisme sont désastreuses : débordements, insultes, renseignements erronés et non vérifiés… tout se dit et son contraire.
Malheureusement, cette tendance à la distorsion des propos se manifeste également ailleurs que dans les médias sociaux. Les forums en sont victimes, et même ce blogue n’y échappe pas. Propos cavaliers, jugements à l’emporte-pièce s’appuyant sur des impressions plutôt que sur des faits vérifiés; si cette tendance ne cesse pas bientôt, la place publique virtuelle que constitue le web et ses échanges ressemblera à la pelouse d’un terrain au lendemain d’un concert rock. Un grand ménage s’impose.
Cette semaine, je n’ai pas échappé à la vague. Des lecteurs, en désaccord avec les propos de mon dernier billet, ont affirmé des choses surprenantes qui ne m’ont laissé d’autre choix que de bloquer certains commentaires. N’ayez crainte, je les ai quand même tous lus. Toutefois, à l’exception de cette mesure, j’ai choisi garder silence pour éviter que le climat ne s’enflamme davantage au point de devenir hors de contrôle.
Un des commentaires reçus voyait dans mes mots, une incitation à « fourrer » les douaniers américains au poste-frontière, ce que je n’ai jamais dit, ni sous-entendu de quelque manière. Ailleurs, on me sommait formellement de corriger le tir et de me rétracter sous prétexte que mes propos, repris par certains médias sociaux. pouvaient porter atteinte à la sécurité des caravaniers et leur causer des désagréments.
J’ai pris toutes ces remarques avec beaucoup de sérieux. Aussi, toute la semaine, j’ai multiplié les appels, tant au Québec qu’aux États-Unis, pour m’assurer une fois de plus que je n’avais pas erré. Pendant ce temps, de nouveaux pourriels continuaient d’envahir la toile. Voici deux exemples probants démontrant combien la dérive est facile et pernicieuse.
Le premier rapporte le cas d’un résident de l’Aztec, ayant fait livrer son autocaravane à Plattsburgh, NY, par un transporteur commercial. Pendant ce temps, il aurait aussi nolisé un petit avion pour l’amener du Québec à l’aéroport de cette ville. Après s’être vu autorisé à entrer au pays par les services frontaliers, il se serait mis en route vers la Floride au volant de son VR. Plus loin, interpelé par des policiers, on l’aurait sommé de rebrousser chemin vers le Québec tout en lui signifiant une interdiction franchir la frontière pendant cinq ans.
Bien sûr, le courriel ne précisait pas l’endroit où l’intervention policière s’était déroulée, mais, dans un autre canular du même type, il était fait mention d’un Québécois qui, lui, se serait fait arrêter en Pennsylvanie avant d’être escorté jusqu’à la frontière. Alors que l’Halloween approche, de telles histoires donnent froid dans le dos.
J’ai donc parlé à des résidents de l’Aztec et contacté directement les autorités de ce luxueux parc de la Floride. Dans les deux cas, on m’a mentionné avoir vu passer sur le web le message dévastateur, sans pour autant n’avoir été officiellement informé de la situation. Au moins huit caravaniers ont jusqu’à maintenant intégré leurs quartiers d’hiver à l’Aztec. Tous ont voyagé par avion pour s’y rendre et requis les services d’un transporteur commercial québécois pour le VR. De ces huit VR portant tous une plaque du Québec, aucun ne fut interpelé par des policiers, et ce, dans aucun des neuf ou dix états traversés.
Lorsqu’un officier des douanes autorise quelqu’un à entrer dans son pays, la décision relève entièrement de son autorité. En un mot, c’est lui qui décide. S’il dit non, la personne doit rebrousser chemin. Il est faux de croire qu’un refus de traverser la frontière constitue nécessairement un acte criminel conduisant automatiquement à une pénalité pouvant entrainer une amende ou une interdiction de séjour pour plusieurs années.
De plus, une fois l’accès au territoire accordé, celui-ci vient nécessairement avec un droit de circuler dans tous les États menant à la destination annoncée à l’agent des services frontaliers. Souvenons-nous de l’été dernier, où les caravaniers ne pouvaient pas visiter le Nouveau-Brunswick, mais pouvaient malgré tout le traverser d’une traite pour se rendre au ferry menant aux Îles-de-la-Madeleine. Dans l’ouest du Canada, une situation similaire autorisait les Américains à traverser les frontières de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique pour se rendre en Alaska. Pour autant qu’ils ne déviaient pas de la route la plus directe pour y arriver, ils n’étaient nullement incommodés, même si officiellement les frontières Canada-ÉU étaient fermées.
L’autre cas faisait allusion à un caravanier qui, s’étant présenté à un poste-frontière terrestre en voiture, aurait supposément déclaré à l’officier présent devoir se rendre à sa caravane modèle de parc à Park Lake, FL, car celle-ci avait subi un dégât d’eau. À son arrivée en Floride, deux policiers l’attendaient et, après avoir constaté l’absence du dégât d’eau, lui aurait remis une contravention assortie d’une amende de 8 000 $ ÉU tout l’obligeant à reprendre la route du Nord jusqu’au Canada. Ben voyons, comme si les douaniers avaient du temps pour appeler les policiers municipaux d’un bled de la Floride pour les informer qu’un éventuel fraudeur va tenter, quelques jours plus tard, de se rendre à sa maison de parc supposément inondée.
Comme bien des canulars de la sorte, il est souvent assez facile de trouver des failles dans la façon même dont ils sont présentés. D’une part, il n’y a aucune ville de la Floride nommée Park Lake. Il s’en trouve cependant une, nommée Lake Park dans le comté de Palm Beach. Jamais un organe d’information ou un journaliste n’aurait commis l’erreur d’inverser les deux mots.
Après avoir fouillé un peu plus profondément, j’ai bien trouvé un endroit portant un nom similaire où plusieurs Québécois passent l’hiver, le Park Lake Estates. Ayant retracé le président de l’association francophone des lieux, celui-ci m’a déclaré s’entretenir régulièrement avec le personnel de gestion de cette communauté. Jamais durant ces conversations, ceux-ci n’avaient fait allusion à un incident pouvant présenter une ressemblance avec ce que rapportait le pourriel. Quand on sait combien, chaque fois qu’ils sont appelés à intervenir, les policiers de la Floride adorent jouer de la sirène et des gyrophares, il serait surprenant qu’une visite de ce genre ait échappé à l’attention des gestionnaires.
Autre élément qui démontre combien ces tristes messages ne tiennent pas la route : comment des policiers de la Pennsylvanie auraient-ils pu raccompagner le caravanier pris en défaut jusqu’à la frontière canadienne alors que leur juridiction s’arrête à la limite de leur État ? Il faut bien ne pas avoir voyagé aux États-Unis ni ne rien connaitre de leur géographie territoriale pour écrire quelque chose d’aussi incohérent. Malgré tout, les malfaisants réussissent toujours à en effrayer certains qui, à leur tour, relaient le courriel à leurs connaissances et amis qui font de même avec d’autres. Voilà une parfaite illustration de ce que le docteur Arruda appelle la transmission communautaire.
Ces fausses rumeurs ne sont pas sans rappeler un phénomène du même genre survenu il y a un peu plus de cinq ans. Des barrages de police étaient supposément érigés sur les routes de Géorgie dans le but de piéger les Québécois sous prétexte que leur permis de conduire rédigé en français ne leur permettait pas de rouler sur les routes de l’État. Pourtant, les Interstates sont des routes relevant de l’autorité fédérale et non de chaque État et notre permis de conduire est valide partout dans le pays. Cela n’a pas empêché ce canular à la vie dure de refaire surface chaque automne dans les années qui suivirent.
Alors, avant de vous coucher samedi prochain, remettez vos pendules à l’heure, mais d’ici là, gardez votre sens critique à l’affut pour éviter de vous faire prendre dans une des multiples variantes de la version 2.0 du piège géorgien.
En espérant lire la fin de semaine prochaine un vrai sujet et non pas des histoires de canulars.
Bonne semaine
Très bien écrit! Effectivement, j’ai tout de suite pensé à cette histoire de permis international demandé en Georgie quand j’ai lu ces histoires sur divers forums! C’est tellement facile maintenant de relayer toutes informations, quelles qu’elles soient! Cependant, j’avoue que les gens qui ont fait livrer leur VR au nord du pays, qu’ils ont pris l’avion pour le récupérer et ont continuer vers le sud ne sont pas sur les forums pour venir nous reparler de leur expérience. Vous nous écrivez que certains ont procédé de cette façon pour intégrer le Aztec et que tout s’est bien passé. Merci pour vos démarches et de cet investigation!
Vos propos me rappellent la période du SRAS voici quelques années. Selon un caravanier du Lac St-Jean, il fallait être vacciné pour passer la frontière du sud. Le poste douanier de Buffalo NY donnait un numéro d’information et je les ai contacté. Le douanier a bien ri lorsque je lui ai soumis la question. Une rumeur semble prendre de l’expansion lorsqu’elle circule de bouche à oreille…
Merci pour ces précisions car lorsque je me suis fait raconter ces canulars, j’étais un peu septique mais dans le pays de Trump depuis 4 ans on peut s’attendre à toutes sortes d’histoires abracadabrantes. L’intrus de la maison blanche nous habitue à tous les jours à ses fakes news quotidiennes. La dernière est que s’il perd l’élection, il quitterait les USA, seule sa base aurait de la peine, malheureusement ce serait un autre canular. 🙂
Bonjour, les canulars sont écrits pas des personnes qui n’ont aucun rapport avec le groupe, dans ce cas-ci soit ils ne possèdent pas de VR soit qu’il ne sont jamais sorti du Québec et ce trouve des raison pour y rester, des jaloux qui n’ont pas de vie. Ça me fait penser aux canulars au sujet Mexique d’il y a quelques années écrit pas jalousies.
J’apprécie tellement vos commentaires des trois premiers paragraphes. N’importe qui, grand diplômé de la prestigieuse Université Facebook, peut écrire n’importe quoi, sans aucune vérification ni référence sérieuse. En plus, ils se permettent de faire des remarques désobligeantes dans leurs commentaires; c’est souvent les mêmes qui se cachent en arrière d’une photo de n’importe quoi, surtout pas de leur visage et sous un nom bizarre, tout pour demeurer anonyme et ainsi se permettre ainsi d’être irrévérencieux, des grands talents comme on le dit si bien! J’ai travailler aux services frontaliers 32 ans, à la grandeur du Québec et je suis estomaqué de lire ce qu’on avancemsur des histoires de douanes, même par certain journaliste qui ne font pas la différence dans les aéroports entre les services de sécurité et les douanes, mais il y pire, soit les grands talents qui tentent de m’expliquer que je ne connais pas cela! Sur les réseaux sociaux, il y a du meilleur et du pire.
Excellent texte comme toujours M.Laquerre.
Il est très important de porter un masque avec la COVID par les temps qui cours pour se protéger.
Mais certaines personnes portent le masque pour se cacher, ce qui est fort différent.
Bonne réflexion.
merci pour ces précisions sa rassure les membres il y as tellement de personnes qui s’ennuis