Jeudi, en matinée, une autocaravane a pris feu dans le tunnel Louis-Hippolyte-La-Fontaine. Cet incident fut sans doute l’incendie d’un véhicule automobile le plus médiatisé de ces dernières années. En un éclair, tous les médias en firent leur sujet du jour. À la FQCC, le téléphone devint rouge. Imaginez, le caravanier impliqué dans cet incendie transportait du propane à bord de son ensemble routier, beaucoup de propane, trop de propane.

Les médias sociaux se mirent à dégobiller et à crucifier l’infâme qui avait osé rouler dans le tunnel avec cette matière dangereuse. Aux yeux de plusieurs, le pauvre diable  méritait le peloton d’exécution. Pourtant, ce n’est pas d’hier que des caravaniers ignorants, insouciants ou délinquants empruntent le pont-tunnel avec un trop-plein de propane. J’avais d’ailleurs écrit sur le sujet en mai dernier, un texte qui avait été repris quelques jours plus tard dans l’infolettre de la FQCC.

Avant de partir en peur et de contribuer à la rumeur, revenons sur l’événement de jeudi matin. Précisons d’entrée qu’il importe de distinguer entre l’incendie qui a eu lieu et l’infraction commise par le caravanier. Ces deux éléments se doivent d’être dissociés parce qu’ils n’ont aucun lien entre eux. Bien sûr, la situation aurait été différente si les réservoirs de propane avaient explosé dans le tunnel. Mais, heureusement, ce ne fut pas le cas.

Il n’est pas rare qu’un véhicule récréatif, un camion ou une automobile prenne feu. Jeudi, le hasard fit en sorte que l’incident se produise dans le pont-tunnel. Dégâts importants, circulation bloquée pendant des heures, congestion monstre se répercutant sur tout le réseau routier entourant la métropole, autant d’éléments réunis pour mettre en rogne et faire monter la pression de tous les automobilistes de la grande région de Montréal.

Puisque le propriétaire du VR transportait trop de propane, l’incendie fut immédiatement relégué au second plan cédant toute la place aux bonbonnes maudites. Cela m’a rappelé ce que disait La Fontaine dans sa fable «Les animaux malades de peste». Un âne ayant tondu de la largeur de sa langue l’herbe d’un pré sur lequel il n’avait aucun droit avait été jugé par la populace responsable de tous les maux du monde.

En aucun moment, je n’ai entendu un seul commentaire de compassion à propos du pauvre diable ayant perdu son véhicule dans l’incendie. Bien au contraire, aux yeux de tous, il était considéré comme le pire des criminels. Pourtant son ignorance de la règlementation était probablement son seul crime. Et, jusqu’à jeudi matin, il n’était vraiment pas le seul à faire partie de cette catégorie de criminels. J’en connais des bien pires que lui, qui, sachant fort bien qu’il est interdit de prendre le pont-tunnel avec leur autocaravane, le font quand même.

Que de fois, j’ai entendu des phrases comme celles-ci « Ce n’est pas grave, il n’y a aucune surveillance », « Penses-tu que je vais prendre le pont Jacques-Cartier et me retrouver dans la circulation des rues de Montréal ? ». Je ne serais pas surpris de compter certains de ces caravaniers parmi les accusateurs les plus féroces du pauvre type dont le véhicule a pris feu.

Bien sûr, le bonhomme a commis une infraction qui va lui coûter cher. Plus de 500 $ d’amende et 9 points de démérite à son dossier de conduite, sans compter que l’an prochain, le coût de son permis de conduire et de ses assurances grimpera en flèche. Il mérite amplement d’assumer les conséquences de son ignorance… ou de sa délinquance. Quant aux coûts des réparations qui lui seront facturés, normalement, ils devraient être pris en charge par son assureur.

Le fait qu’il ait transporté trop de propane ne devrait pas être considéré par l’assureur. Il s’agit d’une faute qui relève uniquement du Code de la route et qui possède sa propre sanction. Cela n’en a pas empêché plusieurs gérants d’estrade de soutenir que les assureurs devraient refuser d’acquitter la facture puisqu’il était dans l’illégalité à cause du propane. Pourtant, je le répète, incendie et effraction au Code de la route sont deux choses qui doivent être dissociées.

Accepter la logique de ceux qui disent que l’assureur ne devrait pas payer, voudrait aussi dire qu’une personne ayant causé un accident parce qu’elle a omis de faire un arrêt obligatoire devrait subir un refus de son assureur. Pourtant, dans la réalité, l’assureur acquittera le coût des dommages, mais le conducteur responsable devra payer la contravention émise pour ne pas avoir respecté la loi.

Un adage dit qu’à toute chose malheur est bon. L’incident de cette semaine le prouve une fois de plus. Certes, nous avons évité une catastrophe épouvantable, mais, dorénavant, il n’est plus personne au Québec qui ne sache qu’il soit interdit de traverser certains lieux avec plus de deux bonbonnes de propane et qu’aucune ne doit excéder 46 litres. En langage populaire, deux bonbonnes de 20, 30 ou même 40 livres et vous êtes conforme à la règlementation. Ajoutez cependant une troisième bonbonne, aussi petite qu’une d’une livre à remplissage unique ou encore une de butane pour le réchaud et vous devenez aussi criminel que le cuisinier de croustilles de jeudi dernier.

À vous de juger s’il vaut le coût de risquer de vous retrouver dans les médias et d’être traité de criminel par l’ensemble de la société plutôt de prendre un chemin où transporter un réservoir de propane de plus de 46 litres est autorisé. Pour moi, le choix est clair.

Note: Rappel à ceux qui désirent me contacter pour un commentaire ou une question ne se rapportant pas directement au sujet de ce billet. Veuillez, s’il vous plait, utiliser l’adresse qui suit : plaquerre@campingcaravaningmag.ca. Je me ferai un plaisir de vous répondre.