Carnet de voyage 11
La Louisiane est un État que j’adore. Les gens y sont simples et accueillants. Plus que tout cependant, ce qui m’attire dans ce qui fut la terre où plusieurs Acadiens accostèrent après avoir été déportés pèlemêle sur des bateaux par les Anglais en 1755, c’est la cuisine que l’on y fait.
Les Cajuns maîtrisent à la perfection l’art de donner à leurs jambalayas, gumbos ou étouffées, un goût de fumée. Je préfère employer le mot « boucane » qui, par son caractère archaïque et rustique, me semble donner encore plus de saveur à ces mets épicés à souhait.
Ancienne terre française, la Lousiane, dont je ne pardonnerai jamais à Napoléon de l’avoir vendue aux États de la Nouvelle-Angleterre, cache encore quelques vestiges de notre langue. Malheureusement, en dehors de certains cercles intellectuels, conscients de leur héritage francophone et soucieux de le préserver, la majorité des descendants acadiens n’ont plus de la langue de Molière que leur nom de famille.
Jeudi, alors que nous roulions sur la I-10 en direction ouest, sur le bord de l’autoroute, une enseigne annonçant ces mots « Don’s Real Cajun Boudin » suffit à déclencher un réflexe salivaire. Il n’en fallut pas plus pour que nous nous arrêtions faire provision de ces incomparables saucisses. Comme c’était l’heure du lunch, un restaurant voisin, nommé « Fezzo’s » retint notre attention.
La quantité de mets cajuns au menu rendait le choix presque impossible. Heureusement, un trio, proposant trois mini portions de gumbo différents mit fin à mon douloureux dilemme. Comme dernier repas en Louisiane, je pouvais espérer mieux.
Alors que nous attendions d’être servis, un pot d’épices locales placé sur la table attira mon attention. Une étiquette, collée sur le pot expliquait l’origine du nom de ce restaurant. Je l’ai trouvé assez pittoresque pour vous en faire part.
Il y fort longtemps, dans sa jeunesse, le père du propriétaire du restaurant habitait le petit village de Church Point. Très imaginatif, il avait l’habitude d’utiliser les bobines de fil vides de sa mère pour s’en faire des jouets. Le temps de le dire et je me suis souvenu de mon enfance où j’avais personnellement passé des heures à jouer avec de telles bobines de bois. Mais, cela est une autre histoire, je reviens à l’étiquette.
L’intérêt du père de Phil (le proprio du Fezzo) pour les bobines de fil était tel que le facteur l’avait surnommé Fezzo. Selon l’étiquette, ce mot était le mot utilisé en cajun français, pour désigner les petits cylindres de bois. Évidemment, vous avez compris qu’il s’agissait du mot « fuseau » déformé par la population locale influencée de toute part par l’anglais.
Lorsque, en 1979, Phil décida de se lancer en affaires en ouvrant une épicerie, il lui donna le nom de Fezzo’s Supermarket, en souvenir du surnom donné à son père. Il y a dix ans, lorsque Phil ouvrit un premier restaurant, il conserva ce nom et appela son établissement Fezzo’s Seafood and Steakhouse. Je vous le recommande.
Cette anecdote illustre un de mes grands plaisirs à sillonner les routes du continent nord-américain. Comme la cuisine louisianaise, ces découvertes imprévues ajoutent une petite touche d’épices à nos périples.
Dès la semaine prochaine, pour mon premier carnet de 2010, je cesserai d’utiliser la numérotation et recommencerai à donner à mes carnets un titre plus proche de leur contenu.
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