Alberta – la vallée de Drumheller
Au temps des dinosaures
Après avoir « viraillé » dans le nord de l’Alberta, je veux vous ramener durant quelques jours plus au sud, pas très loin de Calgary, pour visiter une région vraiment méconnue de cette province : les Badlands. Le genre d’endroit qui vous fascinera, surtout si vous aimez les bibites qui habitaient la Terre il y a quelques millions d’années.
Il y a effectivement plus de 65 millions d’années, les dinosaures régnaient sur le sud de l’Alberta. Le Tricératops, le Centrosaurus et l’Albertosaurus imposaient leur loi dans l’univers du Crétacé. De Godzilla jusqu’au Parc Jurassique, le cinéma a tenté de recréer cette époque que la région albertaine des Badlands et le parc provincial Dinosaure, dévoile avec un réalisme percutant.
Et si les Badlands réussissent à nous plonger de façon aussi convaincante dans l’ambiance et dans le décor de la préhistoire, c’est que ce territoire a été le véritable théâtre de l’un des épisodes les plus énigmatiques de l’histoire de notre planète. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur les causes de la disparition relativement subite des dinosaures il y a 65 millions d’années. Une exploration de Sud de l’Alberta n’apporte pas de réponse précise à cette question, pas plus qu’elle ne lève le voile sur l’implication des extraterrestres dans ce vaste génocide animalier. Les Badlands nous amènent plutôt directement sur la terre des dinosaures et nous offrent une intrusion exceptionnelle dans leur monde.
Le début de l’histoire
À l’ouest de Calgary, on longe sur 50 km la rivière Red Deer et la vallée surréelle qu’elle a creusée au milieu de la vaste prairie. Cette même rivière qui a occasionné des inondations historiques au début de l’été. Ces phénomènes érosifs, une miniature de ce que l’on peut observer au Grand Canyon, ont révélé les ossements fossilisés de milliers de dinosaures. La première découverte réalisée par Joseph Burr Tyrrell en 1884 a créé toute une commotion dans les sphères paléontologiques de l’époque. La paléontologie est l’étude des anciennes manifestations de la vie. Elle étudie principalement les fossiles qui sont les restes de plantes ou d’animaux ou bien les traces laissées par ces derniers il y a au moins 10 000 ans. Tyrrell, qui n’avait que 26 ans, était géologue et se trouvait dans l’Ouest canadien pour réaliser une étude topographique d’un des plus grands gisements de charbon en Amérique du Nord. Sans être particulièrement concerné par la paléontologie, il n’a quand même pas mis longtemps à comprendre que le crâne complet de dinosaure qu’il a découvert pouvait avoir une très grande valeur scientifique. En 1905, année où l’Alberta se joint à la Confédération canadienne (il y a donc 100 ans cette année) le chercheur américain Henry Osborne baptise Albertosaurus le crâne de 70 millions d’années que Tyrrell avait découvert. Il a quand même fallu 27 ans pour que soit déclenchée la ruée vers les dinosaures et une véritable course entre les Chercheurs d’os canadiens et américains.
Lorsqu’on allie l’intérêt que l’on peut porter aux fossiles au tourisme, on sait qu’il y a de nombreuses régions où il est possible d’en observer. Tout au long de la faille du Niagara, à partir de la baie Georgienne, sur l’île Anticosti, dans l’archipel de la Minganie, dans le Parc national de Miguasha (Gaspésie), à Ville-Marie (Témiscamingue)… Les traces de vies disparues sont abondantes et remontent à plus de 400 000 millions d’années. Les fossiles trouvés dans les Badlands albertains sont beaucoup plus «jeunes» (251 à 65 millions d’années) mais combien spectaculaires !
Le Musée Royal Tyrrell
Ouvert en 1985, le Musée Royal Tyrell, situé dans la municipalité de Drumheller, ne fait pas que présenter des pièces liées aux découvertes réalisées dans la vallée de la rivière Red Deer. Il fait un véritable survol des découvertes paléontologiques les plus anciennes, et donc des formes de vie les plus rudimentaires, jusqu’aux découvertes les plus récentes, comme les mammouths qui vivaient durant les dernières glaciations. Dès les débuts, le musée a suscité un formidable intérêt, attirant 600 000 visiteurs la première année plutôt que les 400 000 prévus. Et cet intérêt n’a fait que croître avec la sortie du film Jurassic Park de Stephen Spielberg en 1993 qui a créé un engouement mondial envers les dinosaures.
Le Musée Tyrrell a pu compter sur de nombreuses équipes de chercheurs ainsi que sur le travail de plusieurs scientifiques passionnés qui ont contribué à monter sa collection permanente qui compte plus de 107 000 spécimens. Encore actuellement, un groupe de jeunes spécialistes est à l’œuvre sur le terrain et dans les locaux du musée, à dégager des éléments de puzzles complexes auxquels on arrive presque à redonner vie. Les plus beaux exemples, originaux ou fidèlement reproduits, se retrouvent dans une succession de salles de montre qui nous conduisent de surprises en révélations.


D’un géant à l’autre
On ouvre avec le fascinant Albertosaurus librates, un des spécimens les plus complets et les mieux conservés trouvés dans le Parc provincial des Dinosaures en 1991. On remonte ensuite loin dans le temps avec de magnifiques trilobites géants provenant du Maroc ou de très petits et très anciens fossiles de plantes. On passe ensuite l’ère Paléozoïque durant laquelle la vie marine a été particulièrement luxuriante. Les premiers reptiles apparaissent à cette époque et annoncent les périodes du Jurassique et du Crétacé durant lesquelles les dinosaures ont vraiment dominé le monde durant presque 70 millions d’années. Arrivent alors les Théropodes, des carnivores redoutables dont l’imposant Giganotosaurus, plus grand que le Tyrannosaure Rex, ou le Compsognathus, de la grosseur d’un poulet. Ils sont tous là, les plus gros, les plus laids, les plus monstrueux, les plus terrifiants. Le musée les présente dans des positions réalistes dont la dimension théâtrale est accentuée par les éclairages plutôt que par les décors qui demeurent sobres. De toute façon, pas besoin de poudre aux yeux quand on est devant le squelette du T. Rex , le roi tyran les lézards, ou devant la tête aussi démoniaque que massive du Tricératop.

Nous continuerons bientôt ce voyage dans le temps et dans les entrailles de la Terre…