Alberta francophone – Route de prairies et de forêt
À 500 km au nord d’Edmonton, on entre dans la dernière région de colonisation à s’être ouverte en Alberta et, probablement, au Canada. Jusqu’à la fin des années 1950, des Québécois ont suivi leur pasteur sur cette terre promise.
Rivière-la-Paix (Peace River), au nord-ouest de l’Alberta, est la région habitée la plus nordique de la province si l’on excepte la ville champignon de Fort McMurray, au nord-est, où l’on exploite les fameux sables bitumineux.

Environ 70 000 km² de terres agricoles fécondes et de vastes forêts productives. Des champs à l’infini, parfaitement quadrillés et encadrés de routes de gravier tracées d’un trait à la règle. Une terre étonnamment prodigue si l’on tient compte du fait qu’elle se situe autour du 57e parallèle, soit à la latitude de Poste-à-la-Baleine (Kuujjuarapik) sur la baie d’Hudson. Ici, l’ensoleillement prolongé des jours d’été compense pour la courte saison chaude. Avec des machines gigantesques qu’on dirait sorties de films de science-fiction, un agriculteur seul y fait le travail qui exigeait autrefois la sueur de plusieurs familles. On y cultive les céréales traditionnelles et beaucoup de canola. Sur la route, on croise les plus importants ranchs de bisons de la région et il n’est pas rare d’apercevoir des troupeaux de lamas ou d’alpagas. Dans les portions de territoire les plus francophones, autour de Falher et de Saint-Isidore, la production du miel tient également une place de premier ordre puisqu’elle représente à elle seule 30% de la production canadienne.

Plus de 50 000 personnes vivent dans la région de Rivière-la-Paix. Des anglophones en grande partie. Des Autochtones et bon nombre de francophones tricotés serrés, regroupés dans plusieurs villages. Ils y partagent une prospérité notoire, à cause des industries agricoles et forestières
Encore sur la route
Rouler en Alberta est une expérience en soi, particulièrement lorsqu’on se dirige vers le Nord puisque le paysage évolue de façon marquée en une succession d’environnements très différents. Dès Edmonton, on pourrait mettre la vitesse et la direction sur le pilote automatique puisque la route # 2 semble droite à n’en plus finir. Des champs et encore des champs qui défilent à 120 km/h alors que la vitesse limite est de 110 km/h sur les routes principales. Des champs qui sont parsemés de petits étangs puisqu’ils se drainent difficilement. L’approvisionnement en eau constitue d’ailleurs le problème numéro un sur tout ce grand territoire et les sécheresses sont toujours dévastatrices. Comme j’ai l’intention de me rendre dans les Rocheuses à la suite de ma visite dans la région de Rivière-la-Paix, c’est un parcours d’environ 1 300 km (sans compter les détours) qui s’annonce, toujours sur la route #2. Jusqu’à Slave Lake, une ville de service et un centre industriel (moulin à papier) important, je me sens définitivement dans les Prairies avec toute l’imagerie que cela suppose… Silos à grains. Puits de pétrole. Ranchs, coyotes et gros pick up. Toutefois, à partir de cette étape, le paysage se met à changer radicalement. La route ne cesse de prendre de l’altitude. J’entre dans une région montagneuse d’abord recouverte d’une forêt mixte dense qui se transforme en parterre de conifères. Il passe rarement plus de quelques minutes sans que je croise un camion géant chargé d’immenses troncs de peupliers complets. Des feux de forêt ont aussi laissé des territoires entiers complètement ravagés. Voilà qui change de la plaine ennuyante. D’autant plus qu’apparaît finalement le Petit-Lac-des-Esclaves (Lesser Slave Lake) qui, malgré son nom, en impose par ses dimensions. On se trouve ici en plein paradis de villégiature, d’ornithologie et de pêche. Je note la présence de plusieurs parcs provinciaux, dont le Lesser Slave Lake Provincial Park qui possède de belles plages, des sentiers de randonnée pédestre et un grand terrain de camping. D’ailleurs, à ce chapitre, il n’y a pas à s’inquiéter dans la région. Elle fourmille de terrains de camping, de lieux de services (vidange et eau) et on se montre partout très tolérant envers les campeurs qui, à défaut de camping, s’installent sur des emplacements appropriés.

Tout près de Slave Lake, j’ai d’ailleurs trouvé un petit terrain de camping sympathique, à Canyon Creek. Situé près du quai, il s’avère parfait pour les amateurs de pêche et de sports nautiques.
Présence francophone
À l’extrémité ouest du lac, je passe nom loin du village de Grouard… Un nom inhabituel que j’entendrai souvent par la suite puisque c’est là que l’épopée francophone a commencé dans la région de Rivière-la-Paix. Grouard a connu son heure de gloire au début du 20e siècle en étant le point de départ des colons qui y empruntaient un sentier pour se rendre à Peace River. Il n’en reste plus qu’un village fantôme et l’ancienne mission cri.
Je traverse ensuite la petite ville de High River avant que la route ne bifurque vers le nord. Voilà que le panorama se renouvelle à nouveau. D’un coup, les champs réapparaissent et se succèdent des villages dont les noms ne trompent pas : Guy, Falher, Girouxville, Jean-Côté, Marie-Reine ainsi que Saint-Isidore, ma destination finale. Il y a aussi McLennan et Donnelly dont les noms sont anglais, mais qui comptent un fort pourcentage de francophones. Tous ces villages se sont installés le long de la voie ferrée. Le chemin de fer y a déversé son lot de colons et il repart aujourd’hui avec le fruit de leurs labeurs.

Guides de voyage :
Ouest canadien, Ulysse, 29,95 $/www.guidesulysse.com
Fabuleux Ouest canadien, Ulysse, 29,95, un ouvrage très illustré.
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