Sur le chemin du retour

En quittant Indian Wells, Lise a noté «Jour 1 du retour» dans son journal de bord. Si l’on roulait 700 kilomètres par jour, nous serions à Montréal dans une semaine. Mais nous ne sommes pas à ce point pressés ; on va laisser à la neige le temps de fondre et à la température le temps de grimper. Il y a quatre ans, nous étions revenus trop vite du Sud-Ouest, à cause de mon travail. Cette précipitation nous avait laissé un goût amer. Filer jour après jour sur les autoroutes américaines, ce n’est pas le comble du bonheur pour un caravanier. La retraite nous permettra de ne pas répéter la même erreur cette année.
Nous avons décidé de profiter du mois qu’il nous reste pour revisiter des endroits que nous avons beaucoup aimés ou pour en découvrir de nouveaux.
C’est ainsi que nous nous sommes arrêtés au Picacho Peak, un beau State Park entre Phoenix et Tucson. Nous voulions y refaire de la randonnée en montagne. Mais manque de pot dans cet État où la pluie est rare, il a plu les deux jours que nous y avons passés. Nous avons dû nous contenter de marcher sur le camping entre les averses, ce qui est nettement moins exaltant.
Déçus mais pas découragés, nous avons cédé à un de nos vices : les séries américaines. Depuis quelques semaines, nous sommes captivés par A Good Wife, un petit bijou qui a pour cadre le milieu juridique de Chicago. Nous avons regardé, tenez-vous bien, une dizaine d’épisodes en deux jours.
Nous avons eu plus de chance à Tucson, où le soleil radieux de l’Arizona était revenu. Nous en avons profité pour visiter le centre-ville, auquel Ulysse donne trois étoiles. Ce centre ne manque pas d’intérêt ; il nous a paru nettement plus animé que celui de Phoenix. N’empêche que nous avons trouvé le guide bien généreux avec ses étoiles. Tucson, ce n’est quand même pas Boston.
Le lendemain, nous avons pris la direction du Parc national des saguaros. Il y a quatre ans, nous avions visité la partie Est. Cette fois, il va de soi, nous avons opté pour la partie Ouest. Pour la randonnée, c’est mieux. On y trouve de beaux sentiers, dont un qui monte vers le mont Amole, d’où l’on a une très belle vue sur la vallée. Pour voir les saguaros toutefois, la partie Est reste plus intéressante.
Mais qu’est-ce qu’un saguaro? demanderont ceux qui ne connaissent rien aux cactus, sinon qu’ils portent des épines. Le saguaro, disais-je il y a quatre ans, c’est le gros cactus des aventures de Lucky Luke, celui qui fait un doigt d’honneur au ciel, l’air de dire : « Tu m’as fait naître dans un désert, mais je pousse fièrement et longtemps. »
Le saguaro vivrait quelque 150 ans. C’est sans doute en raison de son grand âge que le saguaro est frappé vers la fin de sa vie par la maladie d’Alzeimer. Mais si ! À mesure qu’il vieillit, des trous apparaissent dans sa grosse carcasse, comme dans le cerveau d’une personne. Qu’est-ce que je disais donc ? J’ai oublié.
Lors du précédent voyage, on avait d’ailleurs oublié de regarder attentivement le plan des sentiers du parc, de sorte qu’on s’était perdus. Eh oui ! Ça nous arrive, comme vous savez. La forêt de saguaros a beau être plus clairsemée que la forêt boréale, il est néanmoins très facile de s’y perdre. Mais cette fois, nous ne nous sommes pas égarés. Il faut dire que les saguaros de la partie Ouest sont plus jeunes, ce qui nous a peut-être ragaillardis.
Le lendemain enfin, nous nous sommes rendus à Tubac, un village d’art et d’artisanat, à quelque 60 kilomètres au sud de Tucson. L’endroit est coquet, les boutiques sont chics et les galeries, très classe. On y a vu de bien belles choses. Même qu’il a fallu se retenir pour ne pas en revenir ruinés. Mais le taux de change du dollar de M. Harper nous a empêchés de faire des folies. Au final, on y a passé une demi-journée très agréable.
Lise vous fait ses amitiés. On se revoit samedi en huit.
Si ce n’est déjà fait, je vous suggère quelques endroits pour aimants de la nature;
Oliver Lee State Park, Alamogordo NM à proximité de White Sands Nat Monument, très beau camping à flan de montagne.
Hueco Tanks State Park, El Paso TX. Aussi Carlsbad, si on s’étire un peu…
Santa Fee NM, bel endroit pour flaner.
En ajoutant une autre destination à celles mentionnées par Dumoulin ci-dessus, le « River Walk » de San Antonio vaut la peine de voir, si vous traversez le Texas sur le chemin du retour comme je fais souvent plutôt que d’emprunter la diagonale plus directe au travers des ÉU vers Montréal. Les San Antoniens ont redirigé la rivière vers l’intérieur de leur centre-ville de façon plutôt inusitée et heureuse.
Si vous y allez, à quelques pas vous pouvez visiter le petit monastère de Los Alamos où les célèbres héros Davie Crocket et ses compagnons sont morts pour conquérir le Texas aux espagnols. À l’intérieur on nous demande de garder la voix basse par respect pour ces grands personnages morts au nom de la Liberté, alors qu’en réalité ils luttaient contre les espagnols parce qu’ils venaient de rendre l’esclavage illégal et voulait en débarrasser le Texas. C’est dans cette atmosphère quasi religieuse, amplifiée par les chuchotements respectueux, qu’on peut méditer sur la grande contradiction américaine qu’est leur culte à la Liberté.